Ca a quasiment commencé sur un malentendu.
La deuxième partie de mon stage de DNO (oui, pour diverses raisons il y eut deux parties à mon stage de DNO, ainsi qu'à mon mémoire) consistait en l'étude du marché des biotechnologies dans les vignobles du Sud-Ouest (hors Bordeaux : faut pas déconner, j'ai eu mon DNO à Toulouse).
Il s'agissait de rencontrer divers opérateurs et leaders d'opinion afin d'avoir une représentation de leur vision des biotechnologies du vin, de leurs attentes ... et d'anticiper l'évolution de ce marché.
Au vu des premiers résultats et dès avant la fin de ma formation (et la signature de mon premier contrat de travail d’œnologue) il avait été décidé d'étendre ce travail à d'autres régions, puis à la France entière (avant de passer à l'international).
Car il y avait quelques pistes intéressantes dans ce truc là : entre autres cette envie exprimée par bien des vignerons, et non des moindres, de revenir tôt ou tard aux levures indigènes.
Nous en étions tout naturellement venus à l'idée de vérifier la réalité de cette envie afin de s'assurer qu'elle ne relevait pas que de la déclaration d'intention (peut-être aussi pour ne pas rater un marché émergent, va savoir ?).
Pour ce faire l'approche retenue était des plus simple : envoyer une offre de service à des vignerons (i.e. sélectionner leur levure, chez eux, pour eux) choisis de façon purement aléatoire : 1 tous les 7, dans le guide des sommeliers d'alors.
Il y a eu d'assez nombreuses réponses positives à ce premier courrier. C'en était presque étonnant.
Il a donc fallu improviser un budget, un coût, un devis et répondre aux réponses pour proposer un projet dont nous n'avions alors qu'une idée assez vague.
Quoique significativement plus faible, le taux de réponse a encore une fois été bien réel.
Parmi ceux qui étaient intéressés et prêts à aller jusqu'au bout de leur idée il y avait Pierre Clément, au Domaine de Chatenoy (à Ménetou Salon).
Ce fut l'occasion de se rencontrer et de rencontrer ses vins.
J'en parle librement puisque s'il n'est pas le seul à avoir donné suite il a été le premier et il a, aussi, été l'un des rares à très vite en parler dans la presse spécialisée. La première fois ce fut, je crois, dans Réussir Vigne, sous la plume de Catherine Bioteau.
Autant que je m'en souvienne, le discours de Pierre Clément était simple, raisonnable et en deux étages.
D'abord un coté très applicatif : il travaillait en levures indigènes mais, parfois, devait levurer. A le faire il aurait préféré le faire avec sa levure à lui, de chez lui, plutôt que d'avoir recours à une bestiole venant d'un ailleurs pas toujours très clairement identifié.
Aussi un aspect plus fondamental : avoir une cartographie des bestioles présentes dans ses diverses cuves, de leur variabilité, si possible de leur origine, et de leur éventuelle succession tout au long de la fermentation.
Au delà du fait que je partageais sensiblement les mêmes questionnements, d'un point de vue très personnel c'était encore plus simple : découvrir Ménetou Salon et le faire avec les très jolis blancs du crus.
Peut-être devrais je dire "blancs secs" ... mais en fait non puisqu'il y avait aussi une amusante et confidentielle "Récréation" très liquoreuse (et très jolie !).
J'ai suivi ce projet pendant 2 ou 3 ans puis il a changé de mains. J'ai aussi changé de boite, d'ailleurs.
Pour autant j'ai (trop) irrégulièrement continué à boire les vins du Domaine de Chatenoy.
Leur présence à l'édition 2016 du Salon des Vins de Loire a été l'occasion d'y revenir de façon plus systématique et approfondie.
Aussi l'occasion d'apprendre de la bouche d'Anne Clément que le projet de sélection avait connu une fin prématurée du fait de l'explosion d'AZF. Ce jour là, à l'heure dite, j'étais pour ma part sur le parking du BIVB, à Beaune : la Bourgogne m'avait probablement sauvé la vie ou, au moins, la façade. Les levures étaient, elles, passées de vie à trépas lors de la destruction radicale du labo.
Depuis le projet a repris par ailleurs (avec un partenaire que j'ai, il y a aussi un bail, côtoyé avec plaisir et qu'il faudra bien que je passe saluer un de ces jours).
Et les vins, dans tout çà ?
Ménetou Salon - Rouge (2014)
Joli fruit noir au nez (cassis / mûre) : c'est ouvert, expressif, et mûr. L'attaque est ronde, sur une belle matière. Du fruit et de la vivacité menant à une finale fraîche.
Joli vin.
Ménetou Salon - Rouge (2015 - sur cuve)
Très belle matière. Nez annonçant de la maturité, bouche ample, structurée, avec de beaux tanins. Très bel équilibre.
Il s'annonce très bien ce 2015 !
Ménetou Salon - Rouge. Tradition (2013)
Le passage sous bois est ici un peu plus sensible (à peine) avec un léger boisé / épicé qui soutient les fruits noirs.
La bouche est ronde mais sur une belle structure, avec de la matière et du volume.
Finale puissante qui demande à être encore un peu attendue, même si elle s'achève sur un agréable fruité.Ménetou Salon - Rouge. Tradition (2014 - mise prévue vers Mars)
Le vin est encore un rien sévère, pour autant le nez est déjà plaisant (floral / fruité de bon aloi). La bouche, austère, n'en est pas moins bien construite et charnue.
A revoir.
Rosé (2015)
Joli nez frais et vif, aux notes de petits fruits.
De la fraîcheur et du gras, c'est joli, fruité / acidulé avec un agréable petit amer en finale.
Blanc (2014)
Végétal noble au nez
Beau volume en bouche, de la fraîcheur, s'achève sur l'écorce de pamplemousse avec un léger mordant dans lequel fraicheur et léger amer s'associent bien.
Blanc (2015 - assemblage peut-être pas définitif. Mise prévue en Mai)
Nez de belle maturité.
Beau volume en bouche, du gras et de l'ampleur avec la tension qui va bien pour équilibrer le tout.
Longue finale fraîche et aromatique.
C'est très beau, ce vin !Dame de Chatenoy (2014)
Nez ouvert, complexe et expressif (exo - mangue -, agrumes, floral, léger épicé).
Bouche ample, expressive et élégante. Très longue avec une structure acide qui fait dans la dentelle.
J'aime.
Dame de Chatenoy (2015 - sur cuve. Mise prévue dans 1 an)
Superbe nez déjà très flatteur. Très beau volume en bouche, un vin déjà équilibré et élégant.
J'aime (vraiment) beaucoup : à suivre !
Pierre Alexandre (2014)
La mise récente et le passage sous bois neuf pendant 1 an se sentent encore avec un nez dominé par le bois, même si le nez s'annonce fin avec, en arrière plan, le fruité qui pointe.
Très jolie bouche charnue, déjà en place, avec une aromatique précise dans laquelle le bois est bien plus sage qu'au nez.
A revoir sous peu, mais çà s'annonce très joli.Récréation n°14
Un bref échange avec Anne Clément me fait douter de ma mémoire et de mon souvenir de la petite histoire de cette cuvée, je zappe donc pour m'intéresser à l'essentiel : ce vin.
Joli VdT qui porte bien ses 12.5% d'alcool et ses 110 g de sucres résiduels.
Nez de miel et d'agrumes confits, notes épicées. Riche, mur, et qui annonce la concentration du vin. Bouche très grasse, très douce mais avec beaucoup de tension ce qui évite toute lourdeur. Équilibré et très long.
Superbe Récréation liquoreuse.
(essayer, un jour, de jouer à l'aveugle avec cette Récréation et la Tite douceur de Nicolas Lesaint, à Reignac, pour rire).
Même s'ils sont réussis, les vins du Domaine de Chatenoy sont, comme les autres :
à boire avec modération.
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé.
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