"Pour les couillons" ?
Mais de quoi s'agit-il donc ?
De ceci :
Masset P, Terrier L, Livat F. Can a wine be feminine? Gendered wine descriptors and quality, price, and aging potential. Journal of Wine Economics. 2023;18(4):273-285. doi:10.1017/jwe.2023.30
Puisque, une fois n'est pas coutume, je m'apprête à commenter un article scientifique, j'ai commencé par aller voir l'Impact Factor de la revue hôte.
Le Journal of Wine Economics a un Impact Factor de 1.67. Ce qui n'est pas totalement déconnant, sans pour autant mériter qu'on se lève la nuit pour en reprendre.
Pourquoi cette consultation préalable ?
Le Facteur d'Impact d'une revue est la moyenne du nombre de fois où les articles de cette revue ont été cités au cours des deux années précédentes (que ce soit dans une autre revue ... ou dans la revue elle même).
Donc 1.67 c'est plus que 1 (et 1 ou en dessous, c'est à pleurer) mais c'est loin des 40 de Nature, des plus de 50 de The Lancet ou même des 2.9 de Oeno One et des 2.3 de l'American Journal of Enology and Viticulture.
Perso, j'ai publié (une fois) dans Food Microbiology qui a un Impact Factor de 5.3.
Youpi !
"Youpi", car un IF de 4 et plus correspond au top 10% des revues scientifiques (elles ne sont plus que 2% à atteindre ou dépasser un IF 10).
(Notons que j'ai aussi publié plein de fois dans des revues dont le Facteur d'Impact donne une bonne approximation (par le bas) de l'infiniment petit).
Vous l'avez compris : le Facteur d'Impact ne donne pas la valeur de l'article, mais tente d'indiquer celle de la revue qui a choisi de le publier.
Ce qui n'est pas inintéressant lorsque l'on s'intéresse à une publication scientifique.
Bref : ici c'est 1.67.
Et l'article ?
Est il à même de faire monter l'IF de la revue ?
Le titre a ce qu'il faut pour çà ... du moins si on vise les réseaux sociaux ou mon blog.
Les revues scientifiques, j'en suis moins sur :
Quant au contenu, nous allons en discuter ... mais il est évident que je suis d'emblée ébahi que dans le Journal of Wine Economics on discute du sexedes anges des vins au moment où l'économie vitivinicole est dans un état dont tout observateur à peine concerné ne peut que s'inquiéter.
En mai 1453, en pleine querelle byzantine sur le sexe des anges, Constantinople tombait aux mains des turcs pour devenir Istamboul.
Cette journée marque le début de la Renaissance.
Si je doute que cette publication sur le genre du vin ait le même impact, pour autant elle ne m'en est pas moins profondément désolante et - à mes yeux - vaine car totalement déconnectée de la réalité tant du vin que de son économie.
Mais que nous dit le résumé de ce papier ?
Le Journal of Wine Economics a un Impact Factor de 1.67. Ce qui n'est pas totalement déconnant, sans pour autant mériter qu'on se lève la nuit pour en reprendre.
Pourquoi cette consultation préalable ?
Le Facteur d'Impact d'une revue est la moyenne du nombre de fois où les articles de cette revue ont été cités au cours des deux années précédentes (que ce soit dans une autre revue ... ou dans la revue elle même).
Donc 1.67 c'est plus que 1 (et 1 ou en dessous, c'est à pleurer) mais c'est loin des 40 de Nature, des plus de 50 de The Lancet ou même des 2.9 de Oeno One et des 2.3 de l'American Journal of Enology and Viticulture.
Perso, j'ai publié (une fois) dans Food Microbiology qui a un Impact Factor de 5.3.
Youpi !
"Youpi", car un IF de 4 et plus correspond au top 10% des revues scientifiques (elles ne sont plus que 2% à atteindre ou dépasser un IF 10).
(Notons que j'ai aussi publié plein de fois dans des revues dont le Facteur d'Impact donne une bonne approximation (par le bas) de l'infiniment petit).
Vous l'avez compris : le Facteur d'Impact ne donne pas la valeur de l'article, mais tente d'indiquer celle de la revue qui a choisi de le publier.
Ce qui n'est pas inintéressant lorsque l'on s'intéresse à une publication scientifique.
Bref : ici c'est 1.67.
Et l'article ?
Est il à même de faire monter l'IF de la revue ?
Le titre a ce qu'il faut pour çà ... du moins si on vise les réseaux sociaux ou mon blog.
Les revues scientifiques, j'en suis moins sur :
"Can a wine be feminine? Gendered wine descriptors and quality, price, and aging potential."J'avoue que le titre me file des boutons.
Quant au contenu, nous allons en discuter ... mais il est évident que je suis d'emblée ébahi que dans le Journal of Wine Economics on discute du sexe
En mai 1453, en pleine querelle byzantine sur le sexe des anges, Constantinople tombait aux mains des turcs pour devenir Istamboul.
Cette journée marque le début de la Renaissance.
Si je doute que cette publication sur le genre du vin ait le même impact, pour autant elle ne m'en est pas moins profondément désolante et - à mes yeux - vaine car totalement déconnectée de la réalité tant du vin que de son économie.
Mais que nous dit le résumé de ce papier ?
"By analyzing more than 1,400 expert tasting notes, we assess the so-called gender profile of Bordeaux wines. We identify 329 gender-related wine descriptors, with a good balance between masculine and feminine descriptors. Some wines and vintages are described as more feminine than others, but no clear trend over time emerges. Our regression analysis further reveals that more feminine wines receive similar ratings and sell at similar prices as their more masculine counterparts, but they are perceived as having a much more limited aging potential."Je le traduis ainsi :
"En analysant plus de 1400 notes de dégustation d'expert, nous évaluons le profil dit de genre des vins de Bordeaux. Nous identifions 329 descripteurs de vin liés au genre, avec un bon équilibre entre les descripteurs masculins et féminins. Certains vins et millésimes sont décrits comme plus féminins que d'autres, mais aucune tendance claire n'émerge au cours du temps. Notre analyse de régression révèle en outre que les vins plus féminins obtiennent des cotes similaires et se vendent à des prix similaires à ceux de leurs homologues plus masculins, mais ils sont perçus comme ayant un potentiel de vieillissement beaucoup plus limité."
Concrètement ?
- il s'agit d'un seul expert : Robert Parker,
- la base de données utilisée consiste en 1404 commentaires portant sur les seuls vins de Bordeaux, pour les années 1994 à 2013,
- les auteurs en ont extrait 1183 descripteurs des vins (dont 194 faisant référence aux arômes),
- ces mots ont été examinés par 3 personnes présentées comme des experts dans l'un de ces 3 domaines : linguistique, communication et culture, psychologie,
- cet examen a permis de déterminer si le genre du mot étudié devait être associé au masculin, au féminin ou au neutre (à ce stade, les troupes de Mehmet II commencent à défoncer les portes de Sainte Sophie après avoir violé et tué (probablement dans cet ordre) la moitié de la population de Constantinople),
- de ce travail sort une liste de 164 descripteurs féminins et 165 masculins dont les auteurs fournissent aimablement une liste en Appendice 1.
Il en résulte que certains descripteurs ont un poids supérieur aux autres puisqu'ils sont plus souvent cités :
- pour les féminins il s'agit de sweet (45% des commentaires), fine (26%), pure (18%), elegant (17%) et light (16%) (d'où l'on peut conclure qu'ils ne connaissent pas ma mère),
- les masculins sont respectivement rich (31%), acid (28%. il faut vraiment que j'arrête de penser à ma mère !), dense (25%) impressive (16%) et powerfull (13%).
Oui : on empile les clichés et les stéréotypes (dont le fait que le féminin vieillit moins bien que le masculin).
Peut-être s'agit-il de ceux de Robert Parker ? ou, plus probablement, de ceux des auteurs et participants impliqués dans cette "étude".
Pour ma part, à ce stade je commence à trouver le truc grotesque, ce qui fatalement me donne une furieuse envie de jouer.
Jouer ?
Non, pas avec ma brave femme de mère.
Je vais seulement lever les yeux.
Car dans mon bureau je suis surplombé par une très jolie vierge en bois polychrome qui date de la fin du XVIIème siècle ou du début du XVIIIème.
Comment la décrire en quelques adjectifs ?
Par exemple avec :
- ancient,
- charming,
- handsome,
- old,
- old styled,
- traditional,
qui me semblent être des descripteurs tout aussi raisonnables qu'adaptés.
Voyons voir, dans quelle catégorie se trouvent-ils ?
Ah ..
Tous (T-O-U-S) sont des descripteurs classés par les experts dans la catégorie masculine.
En conséquence de quoi ma confiance aveugle en la Science me fait conclure que ma vierge polychrome est du genre masculin.
Ce qui m'ouvre des horizons insoupçonnés ...
Je note toutefois la prudence des auteurs qui signalent en note de bas de page qu'ils ont simulé des erreurs d'affectation de genre de tel ou tel mot et fait de nombreux tests d'où il découle que :
En outre les théories de Tonton Marcel sont confirmées.
Je parle de ses théories de fin de repas, avant qu'il ne reprenne un verre de la Carthagène de ma grand-mère (celle dont un seul verre faisait perdre 10% à chaque oeil) :
- "Petit, tu connais le point commun entre les femmes et les cyclones ?"
- "Ben non Tonton [celle là, c'est seulement la 10ème fois que tu me la fais]."
- "Voilà : quand çà arrive c'est chaud et humide, et quand çà repart t'as plus rien.
Finalement, Tonton, je dois bien admettre que TU AVAIS PARFAITEMENT RAISON (c'est le Journal of Wine Economics qui le dit) : hot et wet sont en effet des descripteurs présents dans la liste, et ils sont indicateurs d'un vin de genre féminin.
Sans déconner ... hot & wet ...
Soupir ...
Alors faut-il encore préciser que les vins féminins sont, nous disent les experts, également décrits par des adjectifs tels que inconsistent, haut-couture, attractive, kinky ou voluptuous ?
Amis des poncifs, bonjour ...
Oui, Antonio Vivaldi : celui qui a annoté la basse continue de son Concerto RV 340 par le délicieux « Per li coglioni » (« Pour les couillons »).
- il s'agit d'un seul expert : Robert Parker,
- la base de données utilisée consiste en 1404 commentaires portant sur les seuls vins de Bordeaux, pour les années 1994 à 2013,
- les auteurs en ont extrait 1183 descripteurs des vins (dont 194 faisant référence aux arômes),
- ces mots ont été examinés par 3 personnes présentées comme des experts dans l'un de ces 3 domaines : linguistique, communication et culture, psychologie,
- cet examen a permis de déterminer si le genre du mot étudié devait être associé au masculin, au féminin ou au neutre (à ce stade, les troupes de Mehmet II commencent à défoncer les portes de Sainte Sophie après avoir violé et tué (probablement dans cet ordre) la moitié de la population de Constantinople),
- de ce travail sort une liste de 164 descripteurs féminins et 165 masculins dont les auteurs fournissent aimablement une liste en Appendice 1.
Il en résulte que certains descripteurs ont un poids supérieur aux autres puisqu'ils sont plus souvent cités :
- pour les féminins il s'agit de sweet (45% des commentaires), fine (26%), pure (18%), elegant (17%) et light (16%) (d'où l'on peut conclure qu'ils ne connaissent pas ma mère),
- les masculins sont respectivement rich (31%), acid (28%. il faut vraiment que j'arrête de penser à ma mère !), dense (25%) impressive (16%) et powerfull (13%).
Oui : on empile les clichés et les stéréotypes (dont le fait que le féminin vieillit moins bien que le masculin).
Peut-être s'agit-il de ceux de Robert Parker ? ou, plus probablement, de ceux des auteurs et participants impliqués dans cette "étude".
Pour ma part, à ce stade je commence à trouver le truc grotesque, ce qui fatalement me donne une furieuse envie de jouer.
Jouer ?
Non, pas avec ma brave femme de mère.
Je vais seulement lever les yeux.
Vierge en bois polychrome (fin XVIIè / début VXIIIè) Collection personnelle |
Comment la décrire en quelques adjectifs ?
Par exemple avec :
- ancient,
- charming,
- handsome,
- old,
- old styled,
- traditional,
qui me semblent être des descripteurs tout aussi raisonnables qu'adaptés.
Voyons voir, dans quelle catégorie se trouvent-ils ?
Ah ..
Tous (T-O-U-S) sont des descripteurs classés par les experts dans la catégorie masculine.
En conséquence de quoi ma confiance aveugle en la Science me fait conclure que ma vierge polychrome est du genre masculin.
Ce qui m'ouvre des horizons insoupçonnés ...
Je note toutefois la prudence des auteurs qui signalent en note de bas de page qu'ils ont simulé des erreurs d'affectation de genre de tel ou tel mot et fait de nombreux tests d'où il découle que :
"This suggests that even if some errors have crept into the attribution of adjectives to a specific gender, this has no material impact on the results."Bref : peut-être y a-t'il quelques erreurs ? Mais elles ne changent en rien le fait que ma vierge en bois est bien du genre masculin (et que ma mère est tout à la fois sweet, fine, pure, elegant et light).
En outre les théories de Tonton Marcel sont confirmées.
Je parle de ses théories de fin de repas, avant qu'il ne reprenne un verre de la Carthagène de ma grand-mère (celle dont un seul verre faisait perdre 10% à chaque oeil) :
- "Petit, tu connais le point commun entre les femmes et les cyclones ?"
- "Ben non Tonton [celle là, c'est seulement la 10ème fois que tu me la fais]."
- "Voilà : quand çà arrive c'est chaud et humide, et quand çà repart t'as plus rien.
Finalement, Tonton, je dois bien admettre que TU AVAIS PARFAITEMENT RAISON (c'est le Journal of Wine Economics qui le dit) : hot et wet sont en effet des descripteurs présents dans la liste, et ils sont indicateurs d'un vin de genre féminin.
Sans déconner ... hot & wet ...
Soupir ...
Alors faut-il encore préciser que les vins féminins sont, nous disent les experts, également décrits par des adjectifs tels que inconsistent, haut-couture, attractive, kinky ou voluptuous ?
Amis des poncifs, bonjour ...
Je préfère revenir à ma vierge polychrome qui est probablement contemporaine d'Antonio Vivaldi.
Oui, Antonio Vivaldi : celui qui a annoté la basse continue de son Concerto RV 340 par le délicieux « Per li coglioni » (« Pour les couillons »).
Magnifique André !
RépondreSupprimerMerci ! (j'adore les compliments)
SupprimerJ'adore
RépondreSupprimerMerci !
Supprimer"d'où l'on peut conclure qu'ils ne connaissent pas ma mère". Ca va me faire ma journée :-)
RépondreSupprimerRavi d'avoir pu aider !
Supprimer(elle me fait beaucoup rire et me met en joie, celle là. Je dois bien l'avouer. Même si c'est une joie coupable (donc un plaisir décuplé))