Les origines de l'oenologie, et le premier oenologue

Créé en 1955, le DNO (Diplôme National d'Oenologue) vient d'avoir 70 ans. Toutefois, tant l'oenologie que les oenologues sont nettement plus anciens.


Le mot oenologie remonte à 1636.
C'est Lazare Meyssonnier qui est le premier à l'utiliser, avec son
: « Œnologie ou discours du vin et de ses excellentes propriétés » (Lyon, 1636).
Mais il ne s'agit pas d'un livre d'oenologie au sens moderne du terme : c'est un livre de médecine, qui s'intéresse au propriétés médicinales du vin.

Le premier livre qui utilise de façon moderne le mot "oenologie" est sans doute publié par un avocat, Edme Béguillet.
Il s'agit de : « Œnologie ou Discours sur la meilleure méthode de cultiver la vigne, avec un précis sur la manière de faire le vin » (Dijon, 1770).

Quant au mot "oenologue", selon le dictionnaire de l'Académie française, il remonterait au XIXème siècle.


Au delà de l'apparition du mot, au delà de la date anniversaire du diplôme : qui est le premier oenologue ?
Précisons la question : qui est le premier oenologue moderne ? étant entendu que par "moderne" j'entends "scientifique", donc adepte des méthodes expérimentales plus que de la réutilisation des écrits des anciens plus ou moins bien adaptés au goût du jour.


Il est courant de qualifier Louis Pasteur de père de l'oenologie.
Il est, sans contestation possible, le père de la microbiologie ... et la microbiologie est une partie essentielle de l'oenologie moderne. Ses travaux, publiés en 1866 dans "Etudes sur le vin" ont formalisé ce qui deviendra la pasteurisation, une réponse aux maladies microbiennes du vin.

Pasteur crée une science. Comment il l’a fait à plusieurs reprises. Mais est-il un œnologue ? Le premier ? Je ne crois pas.




Avant Pasteur il y eut tout un cheminement dont une des dernières étapes fut parcourue par Adamo Fabbroni.
Son "De l'art de faire le vin" parait en 1801, l'édition originale italienne remontant à 1787. Dans ce livre, Fabroni décrit et commente plus de 100 expériences.
Au chapitre VI ("Moyens de remédier au défaut de matière végéto-animale") on trouve ceci :
"Comme on pourrait encore prétendre que, si la fermentation est lente à s'effectuer, ce n'est pas par défaut d'acide, mais par le manque de cette substance que j'ai découvert être celle par laquelle la liqueur se détermine à fermenter promptement, et comme dans une telle circonstance la lenteur pourrait devenir nuisible, on devra toujours avoir une certaine quantité d'écume rejetée par les vins qui ont fermenté, ou de celle que repoussent les mouts en fermentation. C'est dans cette écume qu'abonde la matière végéto-animale ; elle y est même dans un état de dissolution actuelle, et jouit conséquemment de la faculté fermentescible par excellence : l'effet en sera prompt ; et les mouts qui, par ce seul défaut, restaient tranquilles, ne tarderont pas à acquérir le mouvement de la fermentation."

S'il revient à Fabroni d'avoir démontré le rôle des levures (la matière végéto-animale) et l'intérêt d'ensemencer un mout pour déclencher sa fermentation alcoolique la question de la détermination objective fin de la fermentation alcoolique et du temps du décuvage a été tranchée, à la même époque, par un autre expérimentateur rigoureux : Dom André Gentil.



Initialement paru, en 1781, dans les Mémoires de la Société Royale des Sciences du Languedoc ce travail se proposait de répondre à une question proposée par la société des sciences de Montpellier : "déterminer par un moyen fixe, simple et à la portée de tout cultivateur, le moment auquel le vin en fermentation dans la cuve aura acquis toute la force et toute la qualité dont il est susceptible".
Sa première édition, en tant qu'ouvrage séparé, date de 1802.
Dom André Gentil y relate ses expérimentations menées de façon moderne. C'est à dire en observant, en mesurant, en commentant et en recommençant :



Ensuite de quoi il propose (et il est le premier à le faire !) que pour déterminer la fin de fermentation il convient d'associer une mesure objective : la prise de densité (pour se faire il utilise l'aréomêtre Baumé), à un suivi sensoriel (la disparition de la saveur sucrée) !

Il ne s'agit pas, pour moi, de nier les mérites de Pasteur ou  Chaptal.
Mais de faire remarquer que le premier oenologue est peut-être Fabroni ? et, plus probablement, Gentil.

Oui : Gentil me semble être le premier à s'appuyer sur les acquis du passé, puis à mettre en place une démarche basée sur une méthode expérimentale moderne.
Ainsi, sur des bases scientifiques, il en vient à en tirer des conséquence pratiques et opérationnelles sur lesquelles les oenologues, qui sont des praticiens, peuvent fonder leurs décisions opérationnelles.


Un dernier mot sur le diplôme d'oenologue : encore que sous sa forme actuelle il existe depuis 1955, il existe des formations antérieures.
Par exemple celle-ci :











Commentaires

  1. Eh oui, tout le monde dit qu'il faut vulgariser ! Mais à force de trop simplifier, on en perd l'essentiel… surtout dans le domaine du vin ! Merci André, d'autant plus que pour mon post sur le vin, je voulais justement éviter de parler de Pasteur, ce qui me réconforte dans mon avis.

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