Quelle cuisson ? (L'Entrecôte, Toulouse)


Lorsque j'avais une dizaine d'années mon père m'amenait régulièrement à Toulouse y passer le week-end. Le programme était immuable : match de rugby (du Stade ou, plus rarement, de l'équipe de France) et/ou cinéma (le plus souvent un western spaghetti, c'est d'ailleurs à l'occasion de ces week-ends que j'ai vu du premier au dernier des Sergio Leone à base de 6 coups et de long manteau de cuir) et restau.
Enfin, restau ...y a restau et restau :  nous mangions en effet soit aux "Nouveaux Américains" (aujourd'hui remplacés par la FNAC Wilson), soit à "l'Entrecôte".


Mon fils fêtant ses 11 ans, il était temps de faire un passage de relais.
Pas de Sergio Leone, mais il y a bien d'autres séries B (voire C ou D ...), plus de "Nouveaux Américains" (je ne me souviens plus de ce que l'on y mangeait, n'ayant alors été impressionné que par le système de commande par clavier à boutons pression en bakélite) ... mais "L'Entrecôte" est, elle, toujours là. A vrai dire l'idée initiale était La Brasserie du Stade, un établissement qui permet de conjuguer avec bonheur le pélerinage rugby et la gastronomie (le parmentier de canard y est en effet roboratif et plus qu'acceptable).

Mais pas de Brasserie du Stade ce soir là.
Donc L'Entrecôte.
Petite attente (nous sommes arrivés relativement tôt) qui permet de capter quelques conversations. Pour l'essentiel ceux qui connaissent sont en train d'expliquer aux petits nouveaux à quel point ce lieu est l'incontournable référence en matière de gastronomie tolousaine. Sans aller jusque là, et tout critique que je puisse avoir envie de l'être, il me faut bien reconnaître que je suis, moi aussi, dans cette queue naissante. M'enfin, "incontournable référence" çà' fait un peu braire ...
A l'intérieur, le décor et la tenue des serveuses - en perpétuel mouvement - sont immuables ... immuables, tout comme l'habillage des bouteilles de vin alignées pour une revue de détail qui ne peut qu'être rapide : 2 format disponibles, fin du choix.
A table, la nappe est jaune comme les serviettes et le chemisier de la serveuse qui n'a, en tout et pour tout, qu'à nous demander : "quelle cuisson ?".
Cet endroit est le paradis des indécis et des grands timides !


S'ensuit, très vite, la salade aux noix.
Puis l'arrivée de la viande, toujours tranchée fin et accompagnée de (enfin, "accompagnée de" ... plutôt "baignant dans") sa sauce.
La sauce ?
J'aurais tendance à dire : "crême d'échalottes, avec estragon, une bonne dose d'anchois et un soupçon d'origan, le tout repris dans une quantité astronomique de beurre".
Servi comme il y a 40 ans : à l'assiette avec un monticule de pommes allumettes et, sur le côté de la table, un plat type cantine où l'on peut piocher la viande et éponger la sauce.

Forcément çà se mange tout seul (depuis le temps qu'ils font cuire exclusivement des "entrecôtes" - origine Allemagne - et des patates, il ne manquerait plus que ce soit raté !), on en redemande même.




Hop, une Tarte Tatin (Je craignais pire) et un café plus tard :  l'addition est là.
On ne traîne pas : si le lieu se caractérise en effet par une carte, un décor et un dress code immuables (et simplissimes) ... il ne faut oublier, en sus, la rotation hyper rapide des tables.
On fait ni dans la dentelle ni dans le cordial, mais bien dans le simple et l'efficace.

Je ne m'amuserai pas à estimer le taux de marge (indubitablement fort bon) si ce n'est pour regretter d'avoir - mais je ne m'attendais pas à mieux, voire même à pire - payé un verre de rouge (au demeurant indigne) certainement plus cher que le prix d'achat de la bouteille (enfin, là, du BIB).
3€50 le (petit) verre de bibine bas de gamme, c'est un poil excessif !



Mais, excessif ou pas, dehors çà queute sous la pluie !

Autant dire que c'est à désespérer de chercher des lieux et des concepts sympa ...

(voilà : d'un coup d'un seul j'ai fait ma Madeleine et mon passage de témoin filial. Je reviendrai donc là dans une 30aine d'années, avec mon petit fils ... et ma prochaine chronique restau sera sur un vrai restau ou ne sera pas !).
 

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