Chez moi môssieur on boit du Reignac (avec la mimolette)

"andré, y a un colis pour toi"
Au deuxième ou troisième rappel j'ai fini par aller le chercher, le colis.

On s'était ratés à la Bourse, complètement ratés puisque son Grand Vin était à sec.
Il restait tout de même le blanc et le Balthus, et j'en parle par ailleurs.

Alors il m'a demandé de lui donner mon adresse.
J'ai tardé. Peut-être parce que dans quelques mois je vais probablement déménager ?
Mais google, facebook, linkedin et autres plaisanteries du même ordre étant ses amis proches j'ai reçu le fameux colis au labo.
Car le colis c'était bien Reignac : le 2013 pas goûté, et un 2010 pour faire bonne mesure.

Il fallait donc goûter ce primeur.
L'exercice "en primeurs" est intéressant. Un peu abscons, voir absurde par moment. Mais intéressant.
Bref, là, une quille de Reignac à goûter le soir sans falbala ni pression c'était l'occasion de revenir aux fondamentaux.
Les fondamentaux ?

Un saut au village de Bages :
- Marathon Man qui me sort une blonde d'aquitaine de 4 ans. 4 ans c'est un peu jeune, pour une blonde d'aquitaine, mais elle est bien persillée la blonde.
- à l'épicerie fine un Saint-Nectaire qui semble parfait, et une vieille mimolette d'aspect quasi préhistorique auxquels j'ajoute une baguette qui semble tout à fait présentable.

Bon, les fromages viennent de Toulouse et c'est cool.
De chez Xavier. Et c'est moins cool.
Xavier a été "mon fromager". Longtemps.
Préparant un repas raisonnablement arrosé (i.e. plus de vins que de convives) je souhaitais finir sur je ne sais plus quelle quille de belle facture et demandais innocemment un assortiment de fromages pouvant accompagner ce dernier vin.
"pour ça il faut voir avec Monsieur Xavier" on m'orientait donc fort aimablement vers Monsieur Xavier à qui je donnais le pedigree des vins allant être sacrifiés, et précisais vouloir prioritairement des fromages accompagnant le dernier servi, mais aussi d'autres pour finir d'assécher les précédents.
Il m'assenait alors un : "chez moi môssieur on choisit le vin en fonction du fromage et non pas l'inverse" qui se voulait définitif.
"j'entends bien. Mais les vins et le repas sont choisis, je n'en changerai pas et je souhaite donc des fromages pour accompagner les vins en général et le dernier en particulier"
Redo from start : "chez moi Môssieur, etc ...."
Sur quoi je quittais l'échoppe de ce boutiquier mal embouché pour traverser la rue et entrer chez le voisin d'en face : Betty.
Stéphane Murcia m'y accueillait, m'y entendait, m'y écoutait ... et m'y fournissait en fromages irréprochables.








Quelque temps plus tard je retournais chez Monsieur Xavier.
Un fromage, deux fromages, trois fromages, quatre fromages, peut-être même cinq ?
Irréprochables, eux aussi.
"Et avec çà ?"
Questionné sur le coût des opérations en cours il annonce une somme rondelette, donc :
"Ce sera tout, merci, j'ai atteint mon budget"
Il lance alors à la cantonade et sur un ton goguenard :
"Ah, il y a des gens qui viennent chez moi et qui font attention à leur budget !!".

Il a gardé ses fromages et Betty a reçu - et gardé - un nouveau client du genre fidèle (en plus Stéphane Murcia est marié à une œnologue toulousaine et ils ont développé une activité caviste avec de belles références).

Il me faut bien finir par avouer avoir récemment rencontré le fils Xavier. C'est maintenant lui qui est aux manettes, après un parcours professionnel intéressant. C'était à l'occasion d'une dégustation Krug et fromages au village de Bages : il est charmant et ses fromages sont redoutables (en particulier ses Comtés !!).
Alors quand je suis à à Pauillac je fais quelques entorses à ma règle et redonne très ponctuellement ma clientèle à Xavier (il faut dire que c'est lui ou Intermarché ...), en revanche à Toulouse c'est Betty et que Betty.



Bref, le Grand Vin de Reignac.
Version 2013 en primeurs.

Joli nez bien qu'un tantinet fermé.
Bonne structure, rond et profond. De la matière. Jolie finale.
Ici aussi on évite la caricature des monstres boisés et c'est heureux.

Belle bête ! Forcément.




Après un coup de plancha ma blonde d'Aquitaine à la florentine (juste après la cuisson : un coup d'huile d'olive racée avec un soupçon de fleur de sel de Guérande) fait merveille avec le vin.
Tout ça se tient, se soutient et se met mutuellement en valeur.
Avec le Saint Nectaire - effectivement affiné à la perfection - c'est un autre genre de compagnie mais, là aussi le vin se révèle un allié fidèle et plaisant. Du rond, du volume, du gras, de beaux mélanges aromatiques.
Autre mariage, autre réussite.
C'est plus compliqué avec la (très vieille) mimolette : l'amertume ressort de toutes parts.
Vin et mimolette sont tous deux remarquables, mais ça ne suffit pas à la réussite de leur association.
C'est pas facile la vieille mimolette. Je l'aime bien sur des bases Merlot de quelques années, alors il faudra peut-être revenir là dessus dans quelques années ?!

Elle disait quoi ma toubib ?
Ah oui : "s'il y a viande rouge pas de fromage"
Psychopathe !

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