C'était une
période d'inactivité assez farouche. Le genre de moment ou tu
glandouille en faisant en sorte que ton entourage soit convaincu que
tu conceptualise.
En pleine conceptualisation intense, j'avais reçu un appel de M.
M était alors directrice d’un centre de formation assez improbable dont le prof d’informatique venait de raccrocher les gants à l’improviste.
Elle était dans la merde et me proposait – me demandait ! Me priait !! - de prendre la relève, au pied levé.
Bien sûr,
donner des cours d’utilisation d’Excel, Word et
Power-Point n'a jamais fait partie de mes rêves
les plus fous, mais même si je n'étais pas forcément 100% crédible
sur ce créneau là, il n'en restait pas moins que j'utilisais
régulièrement ces outils. J'avais donc (imprudemment) pensé que ça
me ferait sortir de mon trou, rentrer un peu de thune, et rencontrer
des gens.
Non, pas avant tout rencontrer des gens, même si à ce stade il me faut bien dire que le centre de formation en question était gavé de gonzesses voulant devenir hôtesses.
L'idée générale était aussi que peut-être ça me ferait rebondir vers un ailleurs imprévu, après tout mon parcours professionnel était déjà balisé d'étapes improbables.
J'acceptais donc.
Non, pas avant tout rencontrer des gens, même si à ce stade il me faut bien dire que le centre de formation en question était gavé de gonzesses voulant devenir hôtesses.
L'idée générale était aussi que peut-être ça me ferait rebondir vers un ailleurs imprévu, après tout mon parcours professionnel était déjà balisé d'étapes improbables.
J'acceptais donc.
A la
signature du contrat, il s’est avéré qu’il s’agissait bien,
comme je l’écris plus haut, de donner des cours. Car pour
un salaire horaire brut de 17€04, les cours, je les donne.
Je ne vois
aucun autre mot mieux adapté que celui ci.
Le jour venu, lorsque j’ai été retrouver mes ouailles dans la salle informatique, j’ai trouvé un ou deux mecs perdus au milieu d’une foultitude de nanas.
C’était sans doute la bonne nouvelle.
C’est
immédiatement après que j’ai basculé dans la 4ème dimension …
Hein ?
Hein ?
Non :
pas à cause de la profusion de créatures.
Encore que…
Il y avait de ça, bien sûr, car on était clairement dans le
ravalement de façades, le paraître poussé à son paroxysme et
l'angoisse quotidienne d'arborer un accessoire passé de mode.
Non, rien de
tout cela. J'avais simplement eu l'idée saugrenue de commencer par
leur demander où ils en étaient de leurs cours d’informatique.
Pure formalité qui a donné le résultat attendu : rien.
J'aurais été face à des huîtres, ça aurait été pareil.
Enfin,
visuellement parlant pas vraiment, faut être honnête.
Pour le
reste la différence n'était pas forcément frappante : pas une
prise de note à me montrer, personne pour faire le bilan des acquis.
Rien.
Le truc qui te donne une bonne approximation du vide inter sidéral.
Rien.
Le truc qui te donne une bonne approximation du vide inter sidéral.
Alors, comme je suis un type prévoyant, je leur ai filé les tests Word et Excel que j'avais préparés afin de faire l'état des lieux et d'envisager le chemin à leur faire parcourir.
En fait de chemin à parcourir, c'est là que j'ai compris que le mien serait un chemin de croix.
Car j’ai commencé à rôder dans la salle, histoire de voir comment elles s’en sortaient (oui je sais : il y avait un ou deux mecs dans la salle, donc je devrais écrire « ils » … m’enfin en-dessous d’un certain seuil de testostérone dans l’air ambiant, je passe directement à « elles »).
Elles s’en sortaient … diversement ?
Ouais,
diversement.
Les plus
concernées lançaient des :
« Monsieur
j’ai un problème » désespérés à chaque plantus.
Donc souvent.
Donc souvent.
Fatalement,
les problèmes se chevauchaient.
Alors,
relevant la tête depuis le poste où j'officiais, pour m’adresser
à l'un ou l'autre de ceux où on me réclamait pour dire un truc du
genre :
« ok, je
finis ici et je viens vous voir, d’ici là essayez de trouver une
solution par vous même».
Je me
retrouvais brusquement confronté au réel, m'arrêtant brusquement
à:
« ok, je
finis ici et je viens vous voir »,
Car l'appel
« désespéré » avait visiblement pour seul but de se
dédouaner en montrant qu'il était impossible d'aller plus loin du
fait d'un énorme problème inattendu lié à un matériel
informatique inadapté. Chercher une solution à un prétendu
problème et/ou faire ce foutu test n'était visiblement dans les
intentions de personne : la seule problématique était de
trouver une excuse pour continuer tranquillement à chater sur
MSN.
En même
temps, compte tenu du fait que seuls les cours d'informatique
permettaient de se poser le cul face à un ordinateur c'était pas de
leur faute.
Ils étaient o-b-l-i-g-é-s.
Ils étaient o-b-l-i-g-é-s.
Faut-il
vraiment, à ce stade, préciser que le centre de formation est privé
et que la formation est facturée à un tarif qui n'a qu'un lointain
rapport avec la rémunération des intervenants en général (et de
ma pomme en particulier) ?
Un bref regard à l’ensemble des postes m’a vite rassuré : ce n’était pas un cas isolé. Tous (pardon « toutes ») avaient la jolie petite fenêtre bleue clignotante (enfin, plutôt plusieurs fenêtres bleues et clignotantes, tant il est vrai que – au moins pour le chat – elles sont multitâches …) en bas de leur écran pour indiquer des discussions en cours …
Pendant ce temps, la petite dont j’étais censé m’occuper en profitait sournoisement pour faire n’importe quoi sur son tableur, alors qu’en bas de son écran la fenêtre de « JTPQT » clignotait désespérément dans l’espoir d’une réponse (je dois t’avouer que quand je te dis « la petite » c’est une pure figure de style ; car il va sans dire que la petite en question, pieds nus elle culmine à des altitudes qui me sont inconnues. Alors avec ses talons en plus …).
Bref, la petite était en pleine improvisation, en même temps quand tu raconte ta dernière sortie en boite à « JTPQT » et qu'un con de prof au rabais même pas en Hugo Boss te demande de faire un graphique à partir de chiffres super compliqués, ben faut faire des choix.
Donc, sans préjuger de ses sorties avec JTPQT, sur Excel elle improvisait des trucs inimaginables (et complètement à côté de la plaque) alors que JTPQT attendait la réponse à son :
« tu
me fais battre le cœur »
Fatalement
je me suis laissé aller et lui ai dit :
« mais
qu’est ce que vous me faites là ? c’est du grand n’importe
quoi ! plutôt que de lui faire battre le cœur …».
Bien sûr je
n'ai pas pu aller plus loin car elle s’est mise à pleurer avant
que je puisse finir.
C'est donc là que j’ai su avec certitude que les 17€04 de l’heure, ben j’allais
vraiment me les gagner.
Comme je
suis un sournois, le soir je suis resté après ce qu'il faut bien
qualifier de cours pour désinstaller msn de tous les
postes et limiter les possibilités de téléchargement de quelque
logiciel que ce soit.
Forcément
dans la foulée tant élèves que profs se sont plaints.
La direction a pris les mesures qui s'imposaient, en suite de quoi MSN a progressivement réapparu.
J'imagine que c'est ce qu'en langage diplomatique on qualifie de désaveu ?
La direction a pris les mesures qui s'imposaient, en suite de quoi MSN a progressivement réapparu.
J'imagine que c'est ce qu'en langage diplomatique on qualifie de désaveu ?
Le problème
a été résolu le jour ou j'ai déclaré sans rire que j'avais
installé un mouchard sur chaque poste et que ça me permettait
d'avoir copie de toutes les conversations.
Je te jure que c'est vrai.
(Sinon, ouais : avant je donnais des cours d'informatique à la NSA, c'est l'appât du gain qui m'a fait la quitter pour les vacations horaires).
Bref, mes 17.04 € (bruts) de l'heure je les ais plus ou moins gagnés jusqu’au jour de l’évaluation finale.
Je te jure que c'est vrai.
(Sinon, ouais : avant je donnais des cours d'informatique à la NSA, c'est l'appât du gain qui m'a fait la quitter pour les vacations horaires).
Bref, mes 17.04 € (bruts) de l'heure je les ais plus ou moins gagnés jusqu’au jour de l’évaluation finale.
L'évaluation
finale ?
2 documents
à produire avant de me les envoyer par mail.
A la remise
du sujet une gourdasse de base m’a finement dit :
« ah
mais non, je vous envoie rien par mail, après vous allez me passer
des chaînes à la con ».
Comme je
suis un type zen je ne l'ai pas frappée.
Je me suis contenté de lui signaler que je comprenais tout à fait ses réticences, que j'en prenais bonne note et que si je ne recevais pas son travail sur ma boite mail j'en conclurais qu'elle n'y était pas arrivée et qu'elle aurait donc zéro.
Je me suis contenté de lui signaler que je comprenais tout à fait ses réticences, que j'en prenais bonne note et que si je ne recevais pas son travail sur ma boite mail j'en conclurais qu'elle n'y était pas arrivée et qu'elle aurait donc zéro.
Je crois que
depuis elle me hait. C'est un progès : avant elle se contentait de m'ignorer.
Elle me hait, alors qu'elle a eu un plus que zéro, pas beaucoup plus mais un peu plus quand même. Elle a donc fait une bonne opération.
Elle me hait, alors qu'elle a eu un plus que zéro, pas beaucoup plus mais un peu plus quand même. Elle a donc fait une bonne opération.
L’apothéose ?
Quelques
jours après !
Allez, j’invente rien, je te recopie juste (et à l'identique) deux des mails reçus :
Allez, j’invente rien, je te recopie juste (et à l'identique) deux des mails reçus :
-
« Monsieur, je vous envoi la correction de mon tableau de
l'examen de ce matin sur EXCEL, je vous remercie de bien vouloir en
tenir compte et de faire le nécessaire ».
J'ai fait le
nécessaire : rien.
Il y a aussi
eu, après que j’ai fait suivre ma correction par retour de mail :
- « Pour
le document word je me rend compte d'après ce que vs me dites
que j'ai certainement dus oublier d'enregistrer les dernières
modifications faites avant de vous le rendre. Merci de changer
ma note.».
Ben tiens
...
Bizarrement,
ce fut la fin de ma carrière de "prof" "d'informatique".
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