Le cochon avec des dents


 




C'est la lecture de "La Baie" (de Katherine Mansfield) qui a tout déclenché, tout fait resurgir.
Et encore un seul mot y a-t'il suffi : maua.

Maua
, ce coquillage que je croisais à chaque détour du lagon.

Maua ..
.
Peu avant cette résurgence du maua, il y a - bien sur - aussi eu Sarah avec son :
"je suis la seule de la famille a pas avoir fait un truc fou, alors je pars deux ans à Tahiti".

Maua ...
Et d'autres mots qui surgissent, d'autres animaux, ce qu'il reste de mon vocabulaire :

Pua'ahorofenua. Maupiti. 1979.

pua'a, le cochon.

Puis ses variantes qui s'enchaînent :

pua'ahorofenua, le cochon qui court sur la terre : le cheval.

pua'aniho, le cochon avec des dents : la chèvre.

pua'atoro, le cochon avec des cornes : le taureau.

Donc obligatoirement : punu pua'atoro, le cochon avec des cornes dans une boite (punu).
Le corned beef ...





Mais pour moi les "vrais" animaux sont alors les poissons ... 

Globicéphales. Au large de Tahiti. 1978

Poissons qui parfois n'en sont pas, à l'instar de ces globicéphales souvent croisés lors d'infructueuses parties de pêche à la bonite, entre Tahiti et Mooréa.

Je ne me souviens plus du nom tahitien de ces globicéphales : il est vrai qu'à l'époque je me destinais à la biologie marine et leur donnais donc, ainsi qu'à bien d'autres bestioles aquatiques (coquillages et crustacés, essentiellement), leur "vrai" nom : le scientifique, i
déalement en latin.


Opunohu. EPHE - Museum d'Histoire Naturelle. 1983


Aussi bien sûr quelques oiseaux notables ... mais tant à Mooréa qu'à Tahiti on ne les voyait déjà plus qu'exceptionnellement, si tant est qu'on ait encore pu les y voir.
Un Monde qui,
déjà, disparaissait.
Fou à ventre blanc. Tetiaroa. 1979




Grande Frégate. Tetiaroa. 1979













Lycée Paul Gauguin. T4D. 1979
J'étais alors inscrit au Lycée Paul Gauguin, ce qui me permet aujourd'hui d'être l'heureux détenteur d'un baccalauréat délivré par l'Académie de Besançon, bien qu'obtenu dans son centre d'examen de Tahiti.
Les joies des méandres administratifs ...



Membre assidu du labo photo du dit Lycée, depuis l'AE1 (puis AE1 program) de l'époque (malgré son compère, mon vieux Nikonos, avec lequel il était possible d'enfoncer un clou) je suis depuis resté fidèle à Canon, passant aujourd'hui au 7D .

Mes photos actuelles n'en sont pas significativement meilleures pour autant ...






Mooréa. 1983 : "Le Bounty"
Tahiti, c'était bien sûr le tournage de "Gauguin le sauvage" (avec David Carradine dans le rôle de Gauguin ...) en 1979, puis celui de "Le Bounty" en 1983.


Tahiti. 1979 : "Gauguin le sauvage"



Enfin ce fut, une fois le bac obtenu, l'occasion de lentement boucler ce tour du Monde qui, aujourd'hui, semble questionner Sarah.
J'avais, il est vrai, 17 ans et un soupçon d'esprit aventureux.

Rajasthan. Amber Palace. 1979


Bali. "Women at work". 1979



Tavi, devant chez Moustou
Mais non, en fait Tahiti ce n'était rien de tout çà, car mon Tahiti, c'était avant tout, et tout à la fois :
- Tavi chantant lors des interminables Tamaraa chez Moustouri (Tamaterai vahine)
- descendre chez Aré chercher un morceau de viande arrivé de Nouvelle Zélande et le dégager au piolet du congélateur qui ne marchait que la nuit (et peut-être pas toutes les nuits !?),
- voir l'autre épicier chinois vérifier le décompte de sa caisse automatique avec un boulier,
- dormir dans le faré du jardin, entouré de bougainvillées et de margouillats avec au réveil l'immuable baie d'Opunohu,

- le matin prendre le truck pour aller au Lycée au son de John Gabilou chantant "la vahiné elle est jolie, jolie madame, la vahiné a besoin d'une caresse" et voir le proviseur sortir en pyjama acheter sa baguette de pain,
Baie d'Opunohu. 1979
- ma première (et ma seule) expédition scientifique pour aller dresser le premier inventaire malacologique de Mehetia,
- "réviser" le bac sur la plage, avec Baloo le chien expansif, avant d'aller faire du ski nautique,
- l'attente de la voix qui traverse l'océan et ce décalage quand nous téléphonions à ma grand-mère, à Carcassonne,
- le Tamarii Mooréa et ses couleurs vives,
- l'appréhension de ces saloperies de murènes planquées dans leur trou,
- ma mère, par exemple, quand elle se fait bouffer une palme par un requin en montant sur le récif barrière et me crie d'arrêter de faire le con,
- le mérou grillé le matin au petit déjeuner,
- tant d'autres choses encore, relevant souvent de l'insignifiant !


Rien de tout cela n'existe plus, Sarah.
Je le crains.
Et sans doute est ce principalement pour cette raison que je n'y suis plus retourné ?




Tout çà n'existe plus et c'est peut-être aussi bien : car ton Tahiti t'attend ....

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