On
l'aura compris, entre Bachelard ("Nous comprenons la Nature
en lui résistant") et Rousseau ("Tout est bien
sortant des mains de la nature"), tout d'abord ma raison, et
sans doute un peu plus tard mon cœur, penchent plutôt vers
Bachelard.
J'ai
bien sur un peu de mal avec, entre autres choses, la revendication de
la biodiversité quand elle se fonde avant tout sur la plantation de
5 à 10 000 pieds par hectare d'un seul et même cultivar dans un
seul et même mode de conduite.
Alors
j'avoue sans peine que ça me va plutôt bien, car ça me semble à
peu près
aussi
équilibré que le vin qui m'a servi de point de départ.
La biodynamie
?
On comprendra donc aisément qu'en monoculture
viticole - même en y ajoutant 2 poules (dont une ne pond plus) - "la
plus grande autonomie de production" c'est pas gagné
d'avance ...
Juste
que tout cela - il n'y manque que la physique quantique - me laisse
quelque peu perplexe, quand ce n'est pas hilare.
Ca
a pourtant été très beau, la Coulée de Serrant.
Bon, n'ayant que peu de points communs avec Sainte Rita, je me détourne des causes perdues, au moins de celle ci.
Simplement,
les soirs de grande détresse morale, un petit coup de JC Botte ça
fait un bien fou.
Je
pense par exemple à ce vigneron fort influent et honorablement connu
à qui j'achetai de beaux vins de garde qui, après un an en cave, se
sont transformés en bouillons de culture gazeux et malodorants. En
un mot : nazes.
Ou
bien encore cette récente dégustation au cours de laquelle un
participant nous propose un vin en annonçant avec la componction d'un
prélat te présentant une ostie : "c'est en biodynamie, tout
nature". Le vin était au demeurant plutôt correct, encore
que manquant un chouïa d'élégance.
Alors pourquoi ce billet et, surtout, cette introduction
?
Oh, c'est juste qu'une fois encore je suis tombé sur tel ou
tel panégyrique de la nature en général et des vins (dits)
"nature" en particulier.
Il
est vrai qu'il y a une tendance lourde à faire du Rousseau
de nos jours, y compris dans le Monde qui me concerne plus : le
pinard.
Or j'ai un peu de mal à concevoir comment on peut
revendiquer la
Nature
alors que l'on est en plein dans une activité humaine qui, de
surcroit, a un tel poids historique, culturel, religieux et donc de
civilisation.
Le déclencheur, car il en faut bien un, est ici.
Pourquoi
celui ci et pas un autre ?
C'est qu'il y a peu je goûtais cette même Cuvée Pervenche (Clos Puy Arnaud) et trouvais qu'il y avait bien là un fort beau vin de plaisir : un joli fruit tant au nez qu'en bouche, belle matière tout en rondeur, car on n'est pas sur le monstre bobybuildé mais bien dans le vin de plaisir.
Ca se boit bien dès aujourd'hui et doit même pouvoir attendre un peu.
What else ?
Par exemple que ça se boit d'autant mieux que le propriétaire, brièvement croisé, s'est avéré charmant (oui : je dois avouer avoir du mal à boire les vins - même bons - issus du travail de types bien plus imbuvables que leurs vins, alors forcément quand les deux font passer un bon moment ...).
Pourtant cette Pervenche, toute porteuse de plaisir qu'elle soit, s'accompagne d'écrits qui me laissent au mieux perplexe :
C'est qu'il y a peu je goûtais cette même Cuvée Pervenche (Clos Puy Arnaud) et trouvais qu'il y avait bien là un fort beau vin de plaisir : un joli fruit tant au nez qu'en bouche, belle matière tout en rondeur, car on n'est pas sur le monstre bobybuildé mais bien dans le vin de plaisir.
Ca se boit bien dès aujourd'hui et doit même pouvoir attendre un peu.
What else ?
Par exemple que ça se boit d'autant mieux que le propriétaire, brièvement croisé, s'est avéré charmant (oui : je dois avouer avoir du mal à boire les vins - même bons - issus du travail de types bien plus imbuvables que leurs vins, alors forcément quand les deux font passer un bon moment ...).
Pourtant cette Pervenche, toute porteuse de plaisir qu'elle soit, s'accompagne d'écrits qui me laissent au mieux perplexe :
La vigne est un être vivant qui doit respecté pour donner sa pleine mesure…
Bien entendu, il faut tout faire pour ramener le plus possible de vie dans les sols et utiliser toutes les possibilités de notre petit terroir pour introduire de la biodiversité partout ou cela est possible (préservation des bosquets et des bois, création de haies, plantation de plantes aromatiques, engrais vert un rang sur deux alternant plantes aératrices de sol et apportant de la matière organique et plantes mellifères apportant des niches aux insectes et aux oiseaux…
Nous essayons aussi de travailler à un niveau plus subtil grâce à la biodynamie, à la géobiologie et à la bioénergétique sur les équilibres Yin Yang de notre micro-environnement.
J'ai
bien sur un peu de mal avec, entre autres choses, la revendication de
la biodiversité quand elle se fonde avant tout sur la plantation de
5 à 10 000 pieds par hectare d'un seul et même cultivar dans un
seul et même mode de conduite.
Mais chez le même "Clos
Puy Arnaud" on trouve aussi ceci :
La conception actuelle de l’élite viticole tend vers une viticulture de haute précision à mon sens un peu trop esthétique et aussi trop soucieuse de son image. Il en découle un abus d’effeuillage, de rognages, de tonte de l’herbe, de vendanges en vert etc….
A l’inverse une agriculture dite naturelle (à la mode elle aussi dans d’autres sphères) succombe peut être un peu trop à l’image d’Epinal (la nature s’occupe de tout !) pour dédouaner le vigneron de ses efforts et de sa peine.
Alors
j'avoue sans peine que ça me va plutôt bien, car ça me semble à
peu près
aussi
équilibré que le vin qui m'a servi de point de départ.
On
n'essaie pas, ici de nous survendre un ersatz de nature : la Nature
n'y est ni empaillée, ni mythifiée. Simplement on tend, autant que
faire se peut, à s'en rapprocher ou du moins à se rapprocher de
l'idée que l'on s'en fait (car honnêtement, après quelques
millénaires d'activités humaines, c'est quoi la
Nature
: à part justement une image d'Epinal ?).
Mais il reste, bien sûr, à franchir l'écueil majeur de ce travail à un niveau plus subtil grâce à la biodynamie, à la géobiologie et à la bioénergétique sur les équilibres Yin Yang de notre micro-environnement. (ça me rappelle furieusement les théories scientifiques de Monsieur Spock).
La biodynamie
?
La biodynamie en agriculture résulte de conférences de Rudolf
Steiner au tout début du XXème siècle.
Rudolf Steiner
?
Auteur et penseur prolifique dont on retiendra l'anthroposophie
(Rudolf : tu sais ce qu'ils te disent, mon corps astral
et mon corps éthérique ?) ... et la biodynamie.
Selon
Rudolf :
L'idéal de l'agriculture biodynamique est l'organisme agricole avec la plus grande autonomie de production adaptée aux conditions locales et aux possibilités de travail locales.
On comprendra donc aisément qu'en monoculture
viticole - même en y ajoutant 2 poules (dont une ne pond plus) - "la
plus grande autonomie de production" c'est pas gagné
d'avance ...
Ca pose un peu problème, non, quand l'un des
principes de base posés dans le texte fondateur n'est pas le moins
du monde pris en compte !?
On s'éloigne un peu de l'idéal,
me semble-t'il ...
Mais l'écueil majeur ne me semble pas résider
dans cette liberté prise par les biodynamistes avec les idées de
leur père fondateur.
Ensuite je sors mon joker et n'en
dis guère plus à propos de la géobiologie, de la
bioénergétique, des équilibres Ying Yang et autres
joyeusetés mises en sauce à grand renfort de forces cosmiques, de
dynamisation, de position (géocentrée) des constellations
et, last not least, de jour sidéral feuille / fleur /
fruit / racine.
Juste
que tout cela - il n'y manque que la physique quantique - me laisse
quelque peu perplexe, quand ce n'est pas hilare.
D'autant
plus perplexe que d'une part il semble y avoir autant de biodynamies
qu'il y a de biodynamistes : il suffit pour s'en convaincre de
discuter avec tel ou tel, ou juste de lire sa version de son travail
en biodynamie (contre étiquettes et sites internet sont des sources
quasi inépuisables), et que d'autres part tout cela manque
cruellement de preuves scientifiques.
On m'a déjà rétorqué
que la science c'est mal et qu'en plus c'est pas le bon modèle.
Ouais m'enfin : ce dont on dit que ça marche dans un modèle qui
doit être pris dans sa globalité et surtout pas point par point, et
que l'on se doit donc de l'accepter tel quel sans que ni la globalité
ni les fondements ne soient prouvés par des méthodes qui ont fait
leur preuve, franchement ...
Pas
la peine d'en faire des tonnes : on l'aura compris je suis quelque
peu sceptique. Et c'est un doux euphémisme.
Ce scepticisme
sur le fond s'est renforcé sur la forme au cours du temps et des
fâcheuses rencontres (mais il y en eut heureusement de fort belles :
cette Pervenche, les vins de Ledogar, et bien d'autres
encore !).
Côté
fâcheux tant dans le vin que dans le discours, je pense par exemple
à ceci,
à cela,
ou plus simplement aux tristes vins sur oxydés (et sur facturés)
découverts régulièrement depuis plus de 15 ans à l'ouverture de
tel ou tel millésime de la Coulée
de Serrant.
Ca
a pourtant été très beau, la Coulée de Serrant.
Je me
souviens encore, en particulier, de cette bouteille ouverte il y a
presque 20 ans un après midi pour le soir et qui s'est avérée
fermée à double tour. Grosse déception. Le lendemain au petit
déjeuner (oui, au petit déj, je sais ...) elle était
splendide. Vraiment. Mais depuis, c'est régulièrement moche et le
discours tant technique que commercial suite à ma remarque de vins
morts et de bouchons indignes (et inversement) a été
stupéfiant.
Passons
pour mieux revenir sinon à la Nature du moins aux vins
(dits) Nature.
Je l'ai déjà dit maintes fois alors
une fois de plus ne fera pas grande différence : le vin n'est pas
naturel, il est culturel (et cette tentative de
confiscation de la Nature est un rien casse couilles). Les
débats (si tant est que l'on puisse encore parler de débat)
à propos de ces vins "Nature" en témoignent
régulièrement.
Pour autant les vins "nature" - du moins ceux qui en parlent - peuvent être une inépuisable source de joies. Je pense en particulier à l'inénarrable jean-Charles Botte qui, entre autres joyeusetés, assène tranquillement ce genre de chose :
Depuis quelques années, les vins naturels sont présents et c’est une réalité. Deux grands styles de vins dans le monde sont présents :
- Style buccale : pas de rétro-olfaction dans les vins (la cause aux levures exogènes) - style spirituel : grande rétro-olfaction grâce à la symbiose d’une agriculture bio et d’une vinification en levures indigènes
Le style buccal, le style spirituel et la rétro olfaction grâce ou à cause des levures, ç'aurait été dommage de rater çà ... ou pas.
Bon, n'ayant que peu de points communs avec Sainte Rita, je me détourne des causes perdues, au moins de celle ci.
Simplement,
les soirs de grande détresse morale, un petit coup de JC Botte ça
fait un bien fou.
En tous cas bien plus de bien que ces tristes vins devenus des terrains de jeux pour tel ou tel microorganisme bien vivant qui se délecte à démonter pièce par pièce la construction de vins qui bien souvent le revendiquent haut et fort, le vivant.
Je
pense par exemple à ce vigneron fort influent et honorablement connu
à qui j'achetai de beaux vins de garde qui, après un an en cave, se
sont transformés en bouillons de culture gazeux et malodorants. En
un mot : nazes.
Il me répondit d'abord que je n'y connaissais rien, ensuite que
je ne savais pas les servir car après deux ou trois jours
d'ouverture ils étaient magnifiques (et là on voit la marmotte
arriver en courant avec ses petites mains agiles pleines de feuille
de papier aluminium).
A l'époque j'essayais d'en vendre, du vin
... surtout le sien, que je proposais tantôt avec du
saucisson de
sanglier (argumentant sur la similarité des gouts et des odeurs),
tantôt en disant "j'aime
pas, mais vous avez le droit d'aimer. Si ça vous plait je vous le
facture, si ça vous plait pas on le met à l'évier et on n'en parle
plus".
Y a des masochistes honnêtes : parfois j'en ai facturé.
Et
je continue à attendre le sommelier qui un jour osera me dire les
yeux dans les yeux : "oui,
là le vin il est pas bon mais si je laisse la bouteille en vidange
et que vous revenez la finir dans 3 jours ce sera merveilleux"
...
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