"Rien ne rend l'esprit étroit et jaloux comme l'habitude de faire une collection"


J'imagine que quelque part entre Stendhal dans "La condition humaine" :

"Rien ne rend l'esprit étroit et jaloux comme l'habitude de faire une collection"
et Aldous Huxley dans "Le meilleur des Mondes" :

"Ce ne sont pas les philosophes mais bien ceux qui s'adonnent au bois découpé et aux collections de timbres, qui constituent l'armature de la société."
il doit y avoir un peu de place.

Oui, quelque part dans ce territoire là, il doit bien y avoir assez de place pour se convaincre que c'est le lot de tout collectionneur ne serait ce qu'un peu assidu de passer au mieux pour un doux illuminé, au pire pour un dingue absolu.


Ma folie personnelle et privée se trouve dans les livres.
Les livres en général bien sur mais, pour ce qui m'occupe ici, les livres traitant de près ou de loin du vin, de son élaboration et de son Histoire.

Je ne sais plus très bien quand ça a commencé, en revanche je sais quand le basculement s'est fait ; quand la première pierre de cette tentation d'édifice a été officiellement posée.

Cela s'est en fait produit en deux temps :
- d'abord le jour où j'ai fait l'acquisition d'un bel exemplaire, sous feuille couverture muette, du Livre XIVème de la seconde édition du "Gentilhomme cultivateur".
Paru à Bordeaux chez Chapuis l'aîné en 1763, il s'intitule "De la Vigne" et regorge d'informations plus réjouissantes les unes que les autres,
- enfin lorsque je suis allé chez Garric-Bouville pour l'y faire relier avec les techniques et les matériaux de son époque d'origine. L'opération me coûta considérablement plus que le livre lui même, mais je lui devais bien ça (et c'est du beau travail) !

En effet : mes livres, et tout particulièrement ceux ci, je les lis, les relis et souvent les relie (ou, à tout le moins, les restaure ... quand ils en ont besoin et que j'en ai les moyens).

Depuis d'autres ouvrages plus ou moins rares et satisfaisants l'ont rejoint et on pourra en trouver mention sur ce blog avec la vérité sur le vin, ou dans le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons, ou encore en lisant : le bon vieux temps

Cette collection, qui m'enchante, n'enthousiasmera certainement pas les foules et restera sans doute incompréhensible pour la plupart ... d'autant que certains de ces ouvrages (mais pas tous !) se trouvent dans des rééditions modernes.
Alors quel intérêt, franchement, de traquer Pasteur, Guyot, l'Abbé Rozier, Nicolas Bidet ou Chaptal dans une édition qui leur soit contemporaine si elle n'est pas, idéalement, la première ??
Juste que j'aime ça.
Donc, finalement, les dingues qui collectionnent les sous-bocks, boites de Camembert et autres Tours Eiffel en allumettes ça me réjouit. Et je peux arriver à comprendre. Au moins un peu. Au moins brièvement.
Ou à faire joliment et poliment semblant.

Tout çà pour dire que ces derniers temps on voit fleurir une petite comm rigolote (et les commentaires qui vont avec) à propos d'une collection qui, elle, me laisse perplexe, et des ambitions de son propriétaire qui, pour le coup, me consternent.

Oui, c'est ça : MJ Chasseuil et sa collection de vins.
Florilège :

France Info

la RVF

même JPP sur TF1 !

Bon, pas la peine d'en faire des tonnes et passons sur les commentaires de Café du Commerce, genre : "à cause du fisc le patrimoine français fout le camp", et autres plaisanteries du même acabit.

Entendons nous bien : je n'ai rien contre les grands vins, voire même rien contre les gens qui les collectionnent.

Extrait d'un bref échange avec Anne Le Naour (car c'est par son intermédiaire que le truc en question m'est passé sous les yeux) :

- A titre personnel j'avoue avoir un peu de mal a comprendre l'idée qui prévaut a monter une collection de vins qui vont lentement mais sûrement pourrir a Fort Knox.
Et, finalement, cette vieille histoire de l'arroseur arrose fait toujours recette (fiscale) : a considérer que le vin n'est pas fait pour être bu mais pour être collectionne on s'expose a ce que cette collection soit considérée et taxée sur sa valeur financière.
Et, finalement, cette vieille histoire de l'arroseur arrose fait toujours recette (fiscale) : a considérer que le vin n'est pas fait pour être bu mais pour être collectionne on s'expose a ce que cette collection soit considérée et taxée sur sa valeur financière.- Pas faux... Certains "vieux vins" valent toutefois le détour ...- Bien sur !
A condition, me semble-t'il, de faire le détour pour les boire (au bord de la piscine ?) et non pas pour les voir au fond d'une vitrine
A condition, me semble-t'il, de faire le détour pour les boire (au bord de la piscine ?) et non pas pour les voir au fond d'une vitrine.


Alors, pour préciser ce qui me sert de pensée je ne retiens, car elle se suffit à elle même, que la dernière phrase de MJC dans son interview à France Info (interview qui peut s'écouter à l'aide du lien que je donne plus haut) :

"Et là si vous étiez meilleur sommelier du Monde, vous pleureriez"

Mais nul besoin d'être meilleur sommelier du Monde pour pleurer : il suffit d'être amateur de vin, sans même parler d'être vigneron, œnologue ou sommelier pour pleurer !
Pleurer de rire un peu, de stupéfaction beaucoup, de consternation énormément !.
Car ce truc est une absurdité sans nom !!

Il me semble que le vin est fait pour être bu, partagé, commenté !!

Pas pour être muséïfié au fond d'une vitrine où il finira par n'être plus rien qu'un morceau de verre vide.

Je crois en effet qu'enfermer du vin, quel qu'il soit, dans une cave ou un Musée (un mausolée ?) d'où il ne ressortira plus, c'est faire preuve d'une méconnaissance profonde et d'un mépris absolu pour ce que sont le vin et le travail des vignerons qui l'ont créé.

Dès lors ce "Louvre du Vin" est une bêtise sans nom, un non sens absolu, une abyssale vulgarité.

Mettre du vin en vitrines où il finira par disparaître à jamais ?
Pour quoi ?
Pour cette idiotie crasse d'une prétendue transmission aux générations futures ?!
Superbe transmission qui consisterait à dire :

"Voici ceux qui furent de superbes vins. Ils ont été faits pour être bus mais ne le seront jamais, regardez les bien : ils sont morts et vous êtes dans leur cercueil".

Enthousiasmante perspective.

A peu près aussi enthousiasmante que d'aller voir la momie de Mao tomber lentement en poussière au fond de son mausolée de la Place Tian'anmen.

Je n'étais pas allé voir ce qu'il reste de Mao Zedong.
Alors pour ce qui me concerne : les vins de Chasseuil peuvent bien partir finir de se piquer puis s'évaporer en Russie ou en Mongolie extérieure.
D'autant plus que ce médiocre petit chantage - à grand renfort médiatique - en forme de "puisqu'on veut me faire payer un impôt au lieu de s'enthousiasmer pour mon projet de mort lente du vin, et bien je m'en vais l'euthanasier ailleurs" est tout aussi malvenu que grotesque.
S'il devait voir le jour (ce que je ne souhaite pas) je n'irai donc pas plus voir cet hypothétique et imbécile Louvre du Vin que le mausolée de Mao Zedong.

Sans doute parce que Mao et MJ Chasseuil ont en commun de tenter de mener à bien leurs projets délirants sans se soucier du nombre et de la qualité des victimes que cela fera.



Et, pour les fans du genre, le site de Garric-Bouville :
http://www.reliure-bouville.fr/


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