Qui s'y frotte typique


Ce billet a failli s'appeler typiquement typique
Le point de départ aurait alors été l'interview de Nicolas, car le blog de Nicolas est l'un des rares (en fait le seul et unique) que je lise régulièrement. 
Nous connaissons tous les mésaventures de Kirikou avec la sorcière Karaba ; Nicolas lui ce serait plutôt le sage de Caraba (et moi mon truc c'est plus Iznogoud que Kirikou).
Alors forcément je ne me retrouve pas dans tout ce qu'il écrit et décrit sur son blog, que ce soit  sur la forme (il est vachement consensuel Nicolas, même pour un vieux sage) ou sur le fond (quand il a dit s'intéresser aux protéodies j'ai eu une grosse poussée d'urticaire) mais, pour autant, j'aime bien.
Si, si.

Tout ça pour dire que quand j'ai eu vent de la dite interview je suis bien sur allé la lire.

Ça m'a semblé tant honnête qu'intéressant.
Mais quand je suis tombé sur son : "tester en gardant en tête la typicité que l'on s'est choisie" j'ai bien eu envie d'aller le chatouiller sur la typicité, et surtout sur le fait qu'on puisse choisir celle que l'on veut.

En quelque sorte lui proposer un truc du genre :
"C'est quoi la typicité ? Quels sont les moyens à disposition de l’œnologue pour choisir celle qu'il veut ?".
En précisant :
1. Titre obligatoire : "typiquement typique",
2. Je ramasse les copies dans 4 heures ! (session de rattrapage après la mise en bouteilles).

Mairie de Pauillac. Salle des mariages. Faut il la repeindre ?
Puis j'ai laissé de côté : si t'es pas un psychopathe, pourquoi t'irais titiller Nicolas Lesaint sur une petite phrase, même celle là ?
Il n'y avait pas vraiment d'envie, pas vraiment d'angle d'approche, pas grand chose quoi ... donc j'ai laissé courir.

Et puis paf : Dionysos a eu pitié de moi et Terre de Vins a relayé une info sortie par Sud-Ouest.
Le second vin de Pontet-Canet, millésime 2012, venait de se faire recaler à l'agrément des Pauillac ... semble-t'il parce qu'il ne correspond pas à la typicité.

Ne correspond pas à la typicité ?


Si c'est pas un signe du destin ce genre de truc !?
Un signe du destin et, de toute évidence, une aubaine pour les bons clients du web pinardier : un peu comme l'épisode Tariquet de cet été ou le plus récent (et encore plus clivant) sketch Vino business.

Forcément Nicolas s'y est mis, profitant de ce que j'étais occupé à mon milk-shake céleri bacon il a pris de l'avance sur le sujet. En plus il l'a fait comme il sait bien le faire : consensuel, complet, sincère et argumenté. Branché sur ses tripes.
Donc forcément j'ai rien à ajouter ou retrancher : je sais pas faire comme lui et, une fois de plus, je comprends et partage souvent sa vision des choses (m'enfin, les protéodies, quand même ...).


Dans un autre genre on peut aussi aller faire un tour dans différents secteurs du web, moins consensuels.
Ou
i la prose commence à sortir, un peu comme les cèpes quand les conditions météo ont évolué :

- par ici, avec une approche un rien plus critique que ne l'est celle de Nicolas.
Par exemple :

Et on a du mal à imaginer qu'Alfred Tesseron le propriétaire, et Jean-Michel Commes, son directeur technique, aient proposé à la dégustation un vin possédant un gros défaut le rendant inapte à l'AOC. Sur quel critère fut-il alors éliminé ? Beaucoup de points d'interrogation et une affirmation : vin de France ou AOC, Pontet-Canet vendra son vin sans problème et le ridicule ne sera pas à chercher dans son chai.
Bien sur qu'"on a du mal à imaginer", pour autant doit-on obligatoirement refuser de l'envisager ? ne serait ce que sur un échantillon de dégustation ?
(combien de fois, lors de dégustations en primeurs ais je goûté des trucs dont je me demandais comment ils avaient pu arriver jusque là !?)
Mais je suis plutôt d'accord sur l'ensemble ... à l'exception de ce "
et le ridicule ne sera pas à chercher dans son chai" qui me semble détestable.
Parce que forcément Pontet Canet est irréprochable et que, dès lors, les petits besogneux qui l'ont dégusté (mal, semble-t'il) sont des clowns ? C'est ça le message ??
cool
.


- ou par , avec un billet bien plus critique sur les AOC
Florilège :
Pontet-Canet, le symbole du renouveau des Grands Crus Classés, un des premiers châteaux à s'être convertis au bio, puis à la biodynamie vient de se faire déclasser son second vin en 2012.
Ben ouais.
Etre un symbole ne dispense pas de respecter les règles communes et, le cas échéant, d'en subir les conséquences quand on n'a pas traversé dans clous.
A tort ou à raison.
Faut-il rappeler (oui je crois qu'il faut) que les vins sont dégustés à l'aveugle et qu'en conséquence les dégustateurs ne savent pas s'ils dégustent un premier ou un second vin, un GCC ou un sans grade, un BioD ou un vil chimiste ? Et qu'il n'y a aucune raison d'être plus permissif avec un GCC, même symbolique, qu'avec un sans grade !

Cela pose aussi une nouvelle fois le problème de la ringardise de l'INAO, l'Institut national de l'origine et de la qualité, dont les ronds-de-cuirs, au lieu de défendre un système formidable, avant-gardiste, le laissent péricliter en sombrant dans des travers administratifs d'un soviétisme, d'un bureaucratisme désuets (un autre exemple ici).
Ben ouais : les ODG et Qualisud c'est le goulag, en pire.
Franchement, franchement ...

Je n'ai pas goûté personnellement ce vin, mais une source fiable m'a indiqué qu'il était très bon.
Facebook est, comme toujours, une mine inépuisable


Ben voilà, justement : qui parmi les commentateurs indignés (et ils sont nombreux, en particulier sur facebook) a goûté ce vin ?
Parce que bon, juger de la typicité d'un truc qu'on ne connait que sur le papier ...
En outre il ne semble pas qu'il soit pourvu de défaut(s) empêchant sa commercialisation, au moins en Vin de France. Bon ou pas bon ne semble donc pas être le sujet.


Qui s'est fait le palais, à l'aveugle, sur un échantillon de Pauillacs de 2012 ?

Qui, parmi les mêmes, a eu connaissance de l'intégralité du rapport et de ses éventuelles motivations au delà de ce possible souci de "typicité" évoqué par Sud Ouest et depuis repris en boucle jusqu'à l’écœurement ?





A un moment il faut remettre l'église au milieu du village !

Alors que sait-on ?

- Le second de Pontet Canet se serait 
allègrement fait planter à l'agrément et ne devrait pas y être représenté.
Ca semble acquis ... et y a bien que çà !

- Selon Sud Ouest et tous ceux qui reprennent directement ou indirectement l'info, ce refus serait motivé par le fait que le vin ne correspond pas à la typicité "Pauillac".
Pas parce qu'il est "mauvais" ou en BioD, mais parce qu'il ne correspondrait pas à la typicité.

O
r à ma connaissance le document officiel n'a pas été diffusé : bien malin qui sait ce qui y est noté 
En effet :
- Ce motif (ne correspond pas à la typicité) est il bien indiqué ? on ne sait pas.
- Ce motif est il le seul indiqué ? on ne sait pas.
- Ce motif s'appuie t il sur la dégustation et elle seule ? sur l'analyse du vin ? sur un mix de ces deux critères ? on ne sait pas.
- L'échantillon analysé et dégusté est il représentatif du lot ? a-t'il connu un problème de prélèvement et/ou de conservation ? on ne sait pas.

Bref : on ne sait rien sauf bien sur que l'INAO, les ODG, Qualisud, les créateurs du cahiers des charges et les 5 dégustateurs de l'ODG Pauillac sont forcément tous des clowns malfaisants en croisade contre la biodynamie puisqu'ils ont osé recaler ce vin que personne n'a goûté, mais qui est une référence obligée. Ce dont il est urgent de s'indigner, de préférence en faisant dans la surenchère.
Pourtant au départ c'est un peu court, non ?

A ce stade il n'est d'ailleurs peut-être pas inutile de préciser que ceux qui sont en mesure d'avoir des éléments objectifs sont, tout comme moi, soumis à des obligations déontologiques et/ou contractuelles qui font qu'ils ont le seul droit de se tair

Dès lors ce qui suit est donné à titre général, issu d'observations qui ne sont en rien liées directement ou indirectement au vin en question : ce sont des remarques issues de mon expérience et mon ressenti, autant que possible factuelles. En clair : je m'intéresse plus aux commentaires qu'à ce qui les fonde.

Ceci n'est pas (qu')une posture mais une réalité en forme de ricochet : alors que j'allais devenir (donc AVANT que je ne le sois et ais à gérer la situation) œnologue conseil a Pauillac (dans un labo ou passent de nombreux vins ... dont, en effet, ceux de Pontet Canet) j'avais quitté - assez vivement - la Passion du Vin où certains, et c'est dommage, n'avaient pas su /  pu / voulu comprendre que je ne pouvais polémiquer sur LPV en signant du même A.F que celui dont je signe mes bulletins. Ce n'était bien sur pas la seule raison mais elle était essentielle.
Je me suis ensuite et pendant 3 ans interdit de parler de vins que je voyais passer exclusivement dans le cadre professionnel. Ce fut le cas, quand bien même de très belles choses - comme de moins belles - me sont passées sous le nez et le palais. Y a pas de raison que ça change, et c'est vrai pour tous les vins et châteaux (et y a pas de message subliminal).
Donc ...

ODG Moulis. Avant dégustation
Pour ma part je ne déguste ni n'ai dégusté en agrément des Pauillac, mais en Moulis où la nécessaire unanimité des dégustateurs avant de procéder à un déclassement ou à un signalement de défaut est, me semble t'il, un précieux garde fou.
J'ai par
ailleurs trouvé extrêmement déplaisant quand certains des domaines que je suivais sur telle ou telle appellation se faisaient refuser un vin pour des motifs variés ... dont il s'avérait tant à la dégustation qu'à l'analyse qu'ils étaient totalement infondés. Car certains sinistres clowns ont osé recaler un vin suivi par le grand marabout œnologue Fuster : baisse la volatile, assure l'agrément, garantit les médailles contre un léger supplément (d'ailleurs Sébastien : si tu me lis, faudrait penser à mon chèque).
Tout çà pour dire que pour recaler un vin, il fallait que vraiment, vraiment, il n'y ait pas d'autre solution envisageable ... mais qu'on peut se tromper, je l'ai constaté par ailleurs.
Les procédures d'appel sont là à cause de çà.





Après la côte de bœuf



Sur le manque de typicité je suis bien sur un peu surpris, du moins si cela repose sur la "simple" et seule dégustation.
Il me semble en effet qu'à Pauillac, quand on passe du Domaine les Sadons, à Pontet-Canet, via Latour, les Pichon, Mouton, Iris du Gayon, Lafite ou Saint-Mambert (pour ne citer qu'eux) on a quand même l'occasion de faire un genre de grand écart de la typicité ! Il me semble donc qu'il faudrait vraiment avoir un truc hors des clous !


Alors pour qu'un vin ne soit pas dans les clous de la sacro sainte typicité ...

D'ailleurs, et pour boucler la boucle entamée au début de ce billet : il s'agirait d'une typicité choisie, ou bien d'une typicité subie  ?
A suivre ! (ou pas ...)
D'ici là, à
vous les studios ... après un petit tour vers le cahier des charges de l'appellation Pauillac.

A consommer avec modération. L'abus d'alcool nuit gravement à la santé.
(Et là c'est tout pareil pour les Pauillac et pour les Vins de France)

PS : les photos sont moches, mais elles sont à moi.

Commentaires

  1. Transfert d'une conversation tenue par ailleurs pour peut etre clarifier :

    AF
    Oh, à part que je lis le blog de Nicolas et que les indignations préprogrammées me fatiguent y a pas grand chose à comprendre (comme souvent dans ce que j'écris depuis le fin fond du Médoc).

    HB
    Moi je comprends que l'analyse était mauvaise. Et comme je sais lire une analyse je vois tout à fait ce que tu révèles. Sans bien comprendre à quoi tu joues.

    AF
    A quoi je joue ?
    Explication de texte sur ce billet :
    je l'ai écrit parce qu'il me permettait de rebondir sur l'interview de Nicolas et son mot sur la "typicité qu'on a choisie", en mettant çà en regard de ce qui a été dit sur le défaut de typicité des Hauts de PC.
    Ce qui m'a paru intéressant comme approche, suffisamment en tous cas pour que je ponde ce truc.

    Au delà de ce rapprochement le but de ce "jeu" était de relever les insuffisances du consensus qui, au moins dans certains milieux, semble se faire sur la stupidité, l'incohérence, et autres qualificatifs à propos de cette décision de classement en VdF.
    Consensus basé avant tout sur la réputation du Domaine en général (GCC et Biodynamie) et de son premier vin en particulier (sur les millésimes précédents).
    Ca je l'ai construit autour du manque flagrant d'éléments objectifs relatifs à cette décision et en mettant en regard ma vision et mon vécu des dégustations d'agrément d'une art en tant que dégustateur mais aussi, d'autre part, en tant qu’œnologue conseil confronté à des déclassements parfois injustifiés.

    A aucun moment je ne prends partie ou ne sous entend quoique ce soit sur le cas précis et particulier des Hauts de Pontet Canet 2012. Je ne fais que donner des éléments qui me semblent aussi clairs et objectifs que possible.

    Le couplet sur mes années passés à bosser pour un labo dans lequel PC fait analyser tout ou partie de ses vins - et que j'ai quitté à la mi juin dernière - est là pour m'étonner de ce que certains donnent des éléments "d'explication" qu'ils ne prouvent pas plus que le reste et qu'ils n'ont, en tout état de cause, pas le droit - pour des raisons tant déontologiques que contractuelles - de donner (et ce que ces éléments soient ou pas fondés). Pour ma part je n'ai rien à en dire ni a en sous entendre, rien à confirmer ou infirmer. Le but de mon billet n'est pas là mais plutôt d'essayer d'amener des éléments de réflexion.
    Sur ces bases là chacun conclut librement ce qu'il veut.

    (et je rajoute cette réponse en commentaire à mon billet)

    HB
    Je résume ce que je ressent de tes éléments de réflexion au cas ou un mec normal n'aurait pas compris : la norme c'est la norme, et discute pas c'est comme ça. Donc un pauillac avec 150 mg de so2 a la mise,flash pasteureusé et gorgé de résidus de pesticides cest un bon français . Et un pauillac avec un plus de volatile que ne le permet la norme, cest un vin de table. Et le labo et l'oi c'est les mecs qui mettent les autres mecs dans le bon train. Et toi, tu ne vois rien de bizarre a tout ça et tu respectes bien la déontologie en faisant l'intéressant, celui qui sait mais qui dit rien mais qui dit quand même. Elle est pas simple la vie ? Et comme on envoie plus de lettres, et bien on fait un petit billet pour dire que le droit du sol, devant la grandeur de l'Analyse, ben il se couche. Perso si tu veux bien, je vais continuer alors a boire du vin de France...

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  2. et la suite (et la fin)

    AF
    "Bon français", "bon train", "on envoie plus de lettre" ?
    Tiens, un point Godwin ...

    Pour le reste puisque, visiblement, il faut éviter de faire dans la nuance et plutôt rester dans le basique (ça semble plus confortable) :

    - le fait que le second Pontet Canet se soit fait recaler ne m'intéresse pas plus que çà, et je n'ai pas de commentaire à faire sur ce point là. Je l'explique de diverses façons qui peuvent ou pas plaire, peu m'importe.

    En revanche, ce qui m'intéresse c'est :
    - comment les choses cristallisent autour de ce fait, alors que personne n'a d'information objective.
    - comment ce truc devient encore une fois clivant, en se basant non sur les faits mais sur la lecture (forcément partielle, partiale, voire fantasmée) que chacun en fait dans son coin avant de distribuer des bons points à l'un ou l'autre, essentiellement selon la vision qu'il a de Pontet Canet.

    La question que je (me) pose est, par exemple, de savoir comment ça se serait passé si, dans les mêmes conditions c'était le second du voisin d'en face - Mouton - qui s'était fait recadrer (et je parle même pas des sans grades évoqués dans mon billet qui se font régulièrement recadrer, à tort ou à raison, et dont le tout le monde se tamponne avec une patte d'alligator femelle malgré les conséquence que cela a).

    Alors, oui : je fais mon intéressant. C'est le lot de toute personne qui a la prétention de tenir un blog.
    Ce blog tu le lis, ou pas, et le comprends, ou pas, comme tu veux ou peux ... mais tu viens plus me faire ta leçon de morale à deux balles.

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