Globiboulga business



Ca fait si longtemps que ce vieux Casimir ne nous a pas mis un grand coup de globiboulga qu'il ne faut probablement pas s'étonner de l'arrivée soudaine d'une bonne grosse globiboulga party !

King sized, le globiboulga !
Le genre qui t'enfonce le clou de gré ou de force, quand bien même le dit clou est monté de bric et de broc.




Il s'agit en l'occurrence de papiers qui annoncent et accompagnent la sortie de "Insurrection culturelle", bouquin de Jonathan Nossiter.

Au début d'un billet qui commence à dater j'évoquais ma rencontre avec le Mondovino de Nossiter, c'est peut-être pas la peine d'en remettre une seconde couche : on aura compris que je pars avec un a priori du genre négatif.

C'est tout d'abord un billet sur Rue 89 (grand pourvoyeur de prêt à penser) qui m'intéresse (si je puis dire). Il s'agit de : "insurrection culturelle" : l'utopie tient elle dans un verre de vin ? 

On y apprend des trucs essentiels, du genre :
"Pasolini est un cinéaste, Bellotti un vigneron naturel",
tous deux sont en Italie.
Alors qu'en Espagne, 
Gasolina c'est l'essence et Bellota un jambon.
Dingue, non ?

Ce n'est qu'après que l'on rentre dans le dur :

A l’opposé, les purs produits de consommation, à des fins d’abord commerciales, répondant à des pseudo-besoins habilement marketés, et surtout vidés de toute substance (culturelle ou nutritionnelle), sont la tare indifférenciée, le cancer monolithique généralisé :
« Ici comme dans nos campagnes, la monoculture est le seul horizon des approches purement financières. »
Comme on n'a pas peur des mots, ni les grands, ni les gros, on nous inflige : "la tare indifférenciée, le cancer monolithique généralisé".C'est affligeant de bêtise pontifiante car franchement : côté "pseudo besoins habilement marketés", les pinards et salons "Nature" aux étiquettes et affiches so trendy çà se pose quand même un peu là en termes de pseudo besoins habilement marketés ...
Pour le reste : j'ai toujours cru que la vigne était un genre de monoculture qui faisait vivre pas mal de gens - et directement ou indirectement mourir d'autres -, et ce depuis la nuit des temps (les édits de Domitien puis Charles IX qui ordonnent l'arrachage des vignes pour éviter les famines dues au manque de blé en témoignent).

Mais j'ai dû me tromper.
Ou alors c'est que je suis perdu pour la cause puisque je comprends pas la différence fondamentale qu'il y a entre un vigneron "nature" qui plante, en monoculture, 5 à 10000 pieds par hectare pour vendre son vin sous des étiquettes marketées, et un vigneron pas "nature" qui fait la même chose.

Oui, sans doute suis je hermétiquement fermé à des concepts aussi essentiels que ceux ci :

« la renaissance [des artisans] inspire l’émergence d’une figure nouvelle dans la culture ».
.../...

« Il est possible que le mouvement du vin naturel, tel qu’il se développe depuis dix ans dans le monde entier, comme une contre-mondialisation réussie, suggère des solutions concrètes à une situation désespérante. »
.../...

"En bref, avec les vignerons naturels, nous avons sous les yeux, depuis des années, le modèle abouti d’une culture (ou contre-culture) joyeuse et saine, qui réunit les deux sens du terme (la terre, l’esprit) et où tous les acteurs, individuellement et collectivement, de celui qui crée à celui qui reçoit, en passant par les différents intermédiaires (« distributeurs et importateurs militants, cavistes passionnés et pédagogues, restaurateurs éclairés et critiques-blogueurs libres »), partagent et expérimentent une une aventure éthique et humaine tout à fait concrète."
C'est cela même : "une aventure éthique et humaine tout à fait concrète" qui passe par le vin (dit) "naturel" pour enfin sauver le Monde et la culture de la mondialisation et ses méfaits.
C'est moi qui délire ou çà sent la pignole à plein nez ce genre de galéjade ?
Putaragne : s
ur ce coup là elle est à fond, la marmotte !




La promo continue de belle façon chez Paris Match sous ce titre évocateur : "Le problème écologique est un problème de société"




D'entrée ça y va fort : "Jusqu’à la fin du 17e, le mot culture ne voulait dire qu’une chose : travailler la terre".
Selon le Dictionnaire érudit de la langue française (éd. 2009), vers 1549 (donc milieu 16ème et non pas fin 17ème) : "Culture" est l'enrichissement de l'esprit. On me répondra que 150 ans c'est secondaire, et sans doute l'est ce. Sauf que c'est l'un des rares (voire le seul) éléments factuels et vérifiables, et que cet élément factuel est faux.


Forcément ensuite çà déroule comme à la parade.
Florilège :

"Il est absolument faux et hystérique de dire que l’on vit dans un Etat crypto-fasciste".
Ben pourquoi le dis tu alors, garçon ? C'est quoi le propos ?
"J’ai travaillé comme cinéaste à Hollywood, en France, en Italie, au Brésil".
Euh, ouais, c'est cool.
Ca ressemble quand même beaucoup et de façon fâcheuse à un argument d'autorité.
Donc on s'en cogne un peu, à la base ...

"Peut-être que nos enfants ou même nous, verront des choses qui feront de l’horreur du 13 novembre une petite anecdote à peine remarquable".
Là, franchement, franchement, ce genre de récupération çà pue gravement !
"J’ai assisté à la naissance et au développement d’un petit mouvement qui donne de l’espoir : les vignerons naturels. Cela peut paraître dérisoire mais cela ne l’est pas. Un vigneron est un ambassadeur pour tout geste agricultural. Je ne parle pas des gens en costard cravate devant leur château. Je parle des paysans qui travaillent la terre et qui participent à la transmission culturelle, avec un désir d’apporter du plaisir aux gens et de les faire réfléchir".
Oui, c'est sur que les mecs qui sont en train de commencer à tailler les vignes en se pelant de froid sont tout réchauffés à l'idée que taille longue ou taille courte vont l'une comme l'autre nous faire réfléchir, nous, les gens.
Mais faut pas abuser de la taille courte, hein ? çà risque donner les idées courtes.

"Il faudrait réunir tous les directeurs des banques, tous les patrons des groupes pétrochimiques, tous les vendeurs d’armes et les obliger à discuter avec des citoyens libres qui représenteraient les peuples. Il y a une telle impunité".
Ca çà a déjà été fait avec un grand succès. Par exemple au Cambodge.
On y a amené les citadins et les intellectuels à la campagne, travailler dans les rizières.
Travail de la terre et transmission culturelle. Tout ce genre de choses.

Les irrécupérables (facile de les reconnaître : ils portaient des lunettes) ont été directement finis à la pioche.
Les plus chanceux
ont été obligés à "discuter avec des citoyens libres" : ils ont fait leur auto critique.
Enthousiasmante perspective que celle du retour des commissaires politiques et de la parole libératrice !

"Chaque personne qui consomme au quotidien les voitures individuelles, les machines à laver etc etc, qui mange des choses issues de l’agriculture industrielle, de l’élevage intensif, fait à son échelle des petits actes de suicide, comme les PDG des grands groupes".
.../...

"La vraie Cop21 pour moi serait d’ailleurs la rencontre illimitée dans le temps entre les citoyens et les grands de ce monde. Les hommes politiques observeraient, histoire d’apprendre quelque chose (rires). Il faudrait des scientifiques également
".

Putain y a tout là, dans ces phrases : le populisme, la condescendance et le prêt à penser convenu du bobo accoudé au comptoir du Café du Commerce Equitable.
Plus bas de gamme tu meurs étouffé.
J'te jure ...

Chacun a sa définition du vin naturel mais ils suivent tous le même engagement écologique et culturel, comme un artiste. Ces milliers de vignerons se trouvent dans toute la France et ailleurs, de la Sicile au Champagne. Ils ont aussi réfléchi à l’être humain pour mettre le prix le plus bas possible pour vivre avec dignité mais sans enrichissement.
Au delà du fait que le vin est une boisson artificielle créée par l'Homme : pas une manifestation naturelle mais bien une création culturelle (on ne va pas refaire le vieux débat Nature / Culture !?), il est délicieux de lire ce foutage de gueule massif et sans vergogne : "Ils ont aussi réfléchi à l’être humain pour mettre le prix le plus bas possible pour vivre avec dignité mais sans enrichissement".
Ben tiens ...
Il faut pourtant un changement radical de la société pour affronter les questions écologiques. Tant que l’on dépend du pétrole, nous aurons des problèmes de terrorisme. Il n’y a jamais eu autant d’écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Nous vivons dans un monde de fous.
Voilà pile poil le genre de phrase fourre tout qui plait tant à la ménagère de moins de 50 ans et à son balais brosse !
Pour en bénéficier pleinement il vaut quand même mieux s'être sifflé quelques bières afin d'être sur d'accéder à ce niveau de conscience supérieur ...


Mais nous sommes au moins d'accord sur la conclusion (pas sur que çà nous rapproche) : nous vivons bien dans un monde de fous, un monde dans lequel n'importe qui peut dire n'importe quoi et être repris, voire encensé.

Commentaires

  1. Nossiter = Khmer Rouge, cela crève les yeux. D'ailleurs, "En aliment et en boisson, rien qui ne soit produit révolutionnaire ne consommeras." (septième des commandements révolutionnaires) : tous ces naturo-totalitaires ont pompé Khieu Samphan. Merci Docteur Fuster pour cette éclairante comparaison.

    Oolong

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    1. C'est avec grand plaisir, çà va sans dire (mais çà va mieux en le disant).

      Amusant le lien que vous faites avec Khieu Samphan : par ailleurs (Facebook), on me faisait remarquer que Nossiter ou Iommi Amunategui : "c'est pas un khmer, c'est un jeu de style".
      Ca m'a fait plus que vaguement penser à la défense de Khieu Samphan justement. Le truc genre : "j'avais pas vraiment le pouvoir, j'avais juste des convictions et je faisais que des discours. Je suis pas responsable de ce que les gens ont fait.".

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  2. "Ils ont aussi réfléchi à l’être humain pour mettre le prix le plus bas possible pour vivre avec dignité mais sans enrichissement".

    trop drôle quand tu vois les prix des merdes "nature" qu'on peut gouter parfois. quel gloubi boulga infâme, c’est bien trouvé.
    ce genre de tribune conforte parfaitement le système (tu sais celui qui fait que la société est de plus en plus duale) par son incurie!
    continuons le combat....

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    1. C'est du foutage de gueule de compétition, un genre d'Himalaya de la langue de bois.

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