Keuringsdienst van Waarde : le jour où je suis devenu Kleagle.



(il existe the same in (awkward) english pour les lecteurs qui ne seraient pas francophones)



Quand mon fils, qui a 14 ans, a eu fini de regarder le reportage il m'a dit :
"après çà, on comprend bien que tu fais partie du Ku Klux Klan du vin".
OK, donc c'est pas gagné ... même si on doit pouvoir considérer que, plus que simple Klansman, j'y suis probablement Kleagle (Kleagle ? un genre de recruteur, chargé en outre des relations publiques).
Pas sur que ce soit mieux.

Le reportage ?
Il est batave, issu de
Keuringsdienst van Waarde, et est consacré au vin et surtout à sinon comment, du moins avec quoi il est, ou peut-être, élaboré (Ce lien permet de le visionner).
Il a été diffusé au tout début décembre de cette année.
 
Alors why me ?
Ben why not !?
Oui mais why quand même ?

Il semble qu'ils aient eu un peu de mal à trouver quelqu'un prêt à endosser le rôle du méchant, alors on m'a aimablement proposé de le faire.
Le fait que je vende du produit
œno chez Agrovin, après avoir été œnologue conseil mais aussi, antérieurement, aux manettes techniques tant chez Lallemand que chez Lamothe-Abiet a eu l'air de convenir à l'équipe de tournage.

C'était en début d'année et j'ai donc passé un peu de temps au téléphone et par mail, puis finalement une journée de tournage à Bordeaux, avec Ersin Kiris, le caméraman et le preneur de son (j'ai oublié leurs noms et c'est très con car ils étaient sympas les gaillards).
Pourtant j'ai beaucoup de sympathie pour les hollandais, voire de la gratitude. Non, pas pour leurs tomates ! faut pas déconner non plus : avec une seule de leurs tomates un bon lanceur peut tuer un bœuf à 50 mètres ! plutôt pour leur vieille mimolette (qui n'est d'ailleurs pas un fromage hollandais, me dit on dans l'oreillette) ...
Et puis aussi parce que ce sont eux qui ont transformé le Médoc en terre viticole.
Aussi et surtout parce que c'est l'un des leurs :
Antoni van Leeuwenhoek qui, le premier, a observé et décrit des levures œnologiques (même si c'était dans la bière), ou que ce sont les marchands hollandais qui ont généralisé l'utilisation du soufre dans le vin.

Quoiqu'il en soit, ces derniers jours un soudain afflux de hollandais sur mon profil Linkedin m'a informé que le reportage était sorti ...

Je l'ai donc vu, moi aussi.
Avec mon fils.
Comment te pourrir, en 25' chrono, le peu d'autorité paternelle qu'il te reste ...

Bon, çà fait 25' et c'est grand public. Il ne fallait donc pas en attendre un bouleversement de la pensée ni quelque changement que ce soit dans les a priori des spectateurs.
Pour la partie que j'ai comprise (donc français ou anglais, autant dire pas tout ...) çà me semble toutefois plutôt pas mal.
En tous cas bien mieux que les sombres niaiseries que la télé française nous infligea plus récemment (après çà Ersin et Maya s'étonnaient de ne trouver personne prêt à lui répondre ...), on trouvera sur mon blog ce que je pense, par exemple, des approximations d'Isabelle Saporta ou de Donatien Lemaitre.

Pour autant le documentaire de Keuringsdienst van Waarde appelle quelques commentaires.

Par exemple, on y voit très rapidement une contre étiquette qui me laisse perplexe.




Oui, on nous y informe tranquillement que ce vin contient des sulfites + de l’œuf + du lait.
Putain de scoop !
Passons sur les sulfites (sur ce sujet aussi on peut aller faire un tour sur mon blog) et venons en à l’œuf et au lait.
Je ne vais pas revenir sur les études épidémiologiques qui ont mené à cet étiquetage obligatoire (on pourrait en dire deux ou trois mots tout de même, mais çà servirait à rien : le truc est acté) mais seulement préciser quelques détails :

- l'albumine d’œuf est utilisée pour le collage des vins rouges, et ce de très longue date.
Les amateurs de spécialités locales se souviendront d'ailleurs que le cannelé, pâtisserie traditionnelle de Bordeaux, est un sous produit du collage des vins : on ne savait que faire des jaunes d’œuf ... on en fit donc des gâteaux (avec le blé, le rhum et la vanille trouvés également sur les quais de Bordeaux). Tant pour le collage au blanc d’œuf que pour la pâtisserie on est là dans la plus pure et la plus ancienne des traditions !

- la caséine de lait est, elle, utilisée pour le collage des vins blancs (on pourra en outre se réjouir, ou pas, qu'après utilisation de caséine de lait (et non de lait) la législation impose de mentionner que le vin contient du lait ... alors que l'utilisation du lait est strictement interdite dans le vin).
En conséquence de quoi je trouve pour le moins curieux que l'une et l'autre soient annoncées présentes dans le même vin !!

Rappel de législation : si vous avez utilisé l'un ou l'autre de ces produits de collage vous devez l'indiquer sur l'étiquette sauf à faire analyser la présence de résidus de ces produits dans le vin et à ne pas en trouver trace.
La seule explication que je trouve à cette contre étiquette est que le metteur en marché n'a pas envie de se prendre le chou à faire un test Elisa sur albumine ou caséine et à conçu une fois pour toute une contre étiquette qu'il appose sur tous ses vins, blancs, rosés ou rouges, collés ou pas. Et, bien sur, qu'il ait ou pas présence de traces de produits de collage.
Même pas peur.

Même pas peur car, au vu de mon passé d’œnologue conseil : à chaque que fois que j'ai fait un essai de collage pour déterminer si le collage était utile et si oui à quelle dose, puis qu'ensuite la levée de colle a été correctement faite ... les dosages d'albumine (je travaillais dans le Médoc donc sur rouge, donc albumine et seulement albumine) n'ont jamais décelé le moindre résidu.
Donc pas de nécessité d'étiquettage (pourquoi indiquer l'utilisation d'un produit qui est là pour disparaitre, et dont on s'est assuré qu'il ne subsiste aucune trace ?).

Bref : au delà du fait que l’œuf est un produit parfaitement naturel et un moyen de collage des plus traditionnels, la
communication qui est faite là me laisse un rien perplexe.

Ce n'est qu'ensuite que çà se gâte réellement : l'un des journalistes visite un revendeur ... et je ne comprends pas un traitre mot de ce qu'ils se disent.
Ce qui ne m'empêche pas de tomber de ma chaise quand je vois l'un des produits vendus :
œnocyanine.
Je ne sais pas d'où elle sort, je ne sais pas qui est ce gars, et je ne sais pas à qui il vend ... mais là, pour le coup, y a souci majeur.
L'
œnocyanine ?
C'est un colorant. Certes naturel, mais un colorant tout de même. Et c'est strictement interdit dans le vin.
Alors si la vente se fait à des producteurs de vins (des Pays Bas ?!?), ce n'est pas défendable, et ce quand bien même l'étiquette indique de façon visible que l'emploi de ce produit est restreint.

















Ensuite Sébastien arrive.
Ca commence par les vignes et c'est la moindre des choses : c'est là que tout se fait. L'essentiel en tous cas.

Il a pu parler français Sébastien, c'est plus confortable : me réécoutant je me suis rendu compte à quel point mon anglais était devenu balbutiant et approximatif. Ca aide pas à être compréhensible.

(Monde cruel et tout ce genre de choses).

Soyons donc clair : j'aime bien Sébastien, et j'aime bien ses vins aussi.
Il faut, bien sûr, ajouter que j'ai eu le plaisir d'être son œnologue conseil pendant quelques brèves années.
Alors c'est jubilatoire quand le montage nous met en opposition sur le bois. C'est jubilatoire car il n'y a pas d'opposition !
Sébastien est sur une logique de vinification puis d'élevage qui ignore les copeaux.
C'est son choix, son histoire et son positionnement ... et c'est très bien ainsi.
Pour autant Sébastien, même si ses vins ne sont, objectivement, pas très chers se situe à un niveau de prix significativement supérieur à celui du vin moyen (le vin moyen ? le vin qui n'existe pas !), à savoir et autant que je sache : moins de 4 € TTC en France et autour de 5 € TTC aux Pays Bas.
A ce niveau de prix consommateur (et à plus forte raison à un prix inférieur !) si vous voulez un vin boisé, sachez qu'il l'aura été avec des copeaux, au mieux avec des sticks (donc par une action plus rapide, plus facile, moins coûteuse mais aussi moins durable dans le temps).
Je vois mal comment on peut, économiquement, faire autrement vu le prix d'une barrique !
On peut le regretter mais c'est une réalité économique. En outre c'est aussi une réalité technique : bien des vins boisés à l'aide de copeaux n'ont pas la structure nécessaire pour résister à un passage en barrique.

 Pour autant, exception faite des données économiques, il n'est pas toujours facile de dire qu'un vin a été mis sous copeaux.
Enfin, quand c'est bien fait puisqu'il y a malheureusement bien des tisanes copieusement fardées et qui sont sans aucun autre avantage que de démontrer l'inintérêt patent d'un excès, quel qu'il soit.
Tout çà pour dire et redire à Ersin que : non, je ne peux pas par simple dégustation dire que tel ou tel intrant a été utilisé (sauf bien sur dans certains cas extrêmement caricaturaux. Et encore, pas toujours ...).
Et personne ne le peut.
Prétendre le contraire c'est prendre les gens pour des lapins de garenne de 6 semaines.


Ou alors c'est que je suis pas vraiment un expert.


Je ne suis en tous cas pas un expert en communication puisque ce qui me semble l'essentiel de mon message du jour est passé à la trappe quand est venue la question de l'étiquetage des vins.
Ce message, quel est il ?

- il faut, a minima, faire la différence entre adjuvants et auxiliaires.



Un auxiliaire ?

C'est ce qui est utilisé pour transformer une matière première mais qui ne reste pas dans le produit fini.
Dans le vin l'exemple type est la levure ou la bactérie : la première transforme le sucre en alcool, la seconde transforme l'acide malique en acide lactique, puis l'une et l'autre meurent et disparaissent avec les lies lors du premier soutirage.
Elles ont transformé le mout en vin mais ne sont pas dans le vin.
Alors en quoi serait ce informer le consommateur que de lui dire qu'on a ajouté un être vivant qui est mort depuis longtemps et dont il ne reste rien dans la bouteille ?? D'autant que les levures sélectionnées ont d'abord été des levures indigènes (puisqu'on les a sélectionnées dans la nature), et qu'elles ne sont donc pas intrinsèquement différentes.
En outre sans levure pas de vin, qu'on les ait ajoutées ou pas il y a toujours de levures Saccharomyces cerevisiae dans le vin.

Un adjuvant ?

L'exemple classique est l'acide tartrique (mais on pourrait tenir le même discours avec, par exemple, les tanins de raisin ou tel ou tel polysaccharide) : il s'agit d'un composé naturellement présent dans le vin, et qui provient de la vigne.
Il peut parfois être ajouté aux vins manquant d'acidité.
Il faudrait donc indiquer sur l'étiquette que de l'acide tartrique a été ajouté ?
Au delà du fait que ce produit naturel ne présente aucun risque pour la santé humaine, pourquoi faudrait il indiquer qu'il y en a dans le vin quand on en a ajouté et sinon ne pas l'indiquer ... alors qu'il y en a toujours dans le vin, et que naturellement présent et ajouté sont indifférenciables l'un de l'autre.
Toujours
et exactement les mêmes.
Il y a là une "logique" qui m'échappe totalement.





 Or c'est cela qu'il y avait derrière mon "Why" final.

Et je regrette que ce "Why" que, vu de l'extérieur et sans y mettre d'affect, je trouve assez rigolo et qui fait en outre une chute plutôt bien trouvée (il est fort le monteur !) n'ait pas été plus et mieux explicité.


Ce qui me permet, moi aussi, d'avoir une chute à ce billet, chute que j'adresse à Ersin et son équipe :

Waarom ?

Ou, plutôt, Sag Warum :










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