Matinée des oenologues 2017. 6. "Impact des métaux lourds sur l'élaboration des vins".




C'est con hein, les codes et leur respect ? Ou pas ...Car sans préjuger de la qualité et du fond de ce qui va suivre (ni d'ailleurs de ce qui a précédé), dès les prémisses de cette présentation je sens venir des branches où me raccrocher. Or çà me va bien d'être dans un mode de fonctionnement et un code discursif éprouvés et partagés.
Ça change des deux p
résentations que j'évoquais dans mes précédents billets : la microflore du sol, et la cristallisation sensible.


Quoiqu'il en soit, ici, avec Maria Nikolantonaki et son "Impact des métaux lourds sur l'élaboration des vins" je sais, je sens, que je vais rapidement me retrouver en terrain familier dans sa forme, sinon par son contenu.


Bon, ok : faut il s'intéresser aux métaux dans le vin parce que le WineSpec ou Decanter ont publié sur le sujet ? je n'en suis pas persuadé. Pour autant, le sujet fait débat.
Oui, en effet : je commence par pinailler sur la couleur des timbres postes, afin de bien montrer que je suis un bad-boy qui prend plaisir à faire chier. Ce qui me permettra, ensuite, d'être dégoulinant de bonheur en toute bonne conscience.


Il faut donc s'interroger à propos de l'impact des métaux lourds sur la santé, donc de la validité des limites légales à la teneur en métaux lourds des vins.


Or au delà de quelques cas : c'est un peu le désert des tartares !
Pour le cuivre : maxi 1 mg/l, et 0.2 mg/l  pour l'arsenic ou bien encore 0.15 mg/l pour le plomb.En revanche, rien (au niveau légal) pour le fer ... mais il est vrai que ce n'est pas super toxique pour l'Homme. En revanche, ce peut être problématique pour la qualité du vin.



Sur les teneurs pouvant être trouvées dans le vin, on pourra se reporter à "Composition et transformation chimiques du vin" de Patricia Taillandier et Jacques Bonnet (qui furent mes profs).

On nous y dit que les moûts contiennent une assez grande quantité de Cuivre, mais que la majeure partie provient des traitements à la vigne. Puis que "le Cuivre disparaît presque totalement au cours de la fermentation alcoolique, par réduction en sulfure, précipitation et élimination avec les lies". Puis : "le vin fini peut en contenir jusqu'à 1 mg/l pr apport exogène dû au contact du vin avec les tuyauteries, robinets et matériels vinaires en cuivre, bronze ou laiton".
Tout ceci reste vrai ... et est peut-être suffisant ?
Encore que dans ce qui suit il y a quelques points qui me semblent valoir le temps que l'on va y passer.


Au delà de tout a priori, et des contaminations que je viens d'évoquer (elles devraient, maintenant, être évitées) l'origine des métaux lourds trouvés dans dans le vin semble surtout végétale.
Ou terroir, si vous préférez.
Enfin, sol.

Toutefois, cela s'exprime différemment selon la partie de la grappe que l'on considère : voir l'é
tude californienne (UC Davis) qui est évoquée.
Elle s'intéresse aux rafles et aux baies et semble montrer que les rafles sont plus riches que les baies.
On pourrait donc en déduire que vinifier en présence des rafles peut mener à une concentration plus élevée en métaux lourds, ou en tous cas à un risque d'enrichissement plus fort à tel ou tel moment de la macération (reste à savoir s'il s'agit d'une extraction dépendant de la température ? des actions mécaniques ? ou bien d'un transfert passif tout au long du contact rafles / baies et moût ? etc ...).


En tous cas, du sol à la vigne puis à la grappe il semble clair que la teneur en métaux lourds varie selon les zones de la parcelle (au moins pour les métaux dosés), et pour une même parcelle ces variations dépendent du relief : de ce point de vue, hygrométrie et exposition seraient déterminants.






Pour l'essentiel, les œnologues sont des praticiens.
Dès lors puisque c'est une journée technique pour et par les œnologues, il faut se pencher sur l'effet du choix de l'itinéraire de vinification, qui est au centre du process de transformation du raisin en vin.


On s'en doute : la majorité du cuivre du raisin et du moût provient des traitements phyto (en particulier sur des millésimes compliqués et/ou en bio. Mais pas que !). Cependant, tout au long de la vinification, sa teneur chute de façon drastique pour descendre à quelques mg/l.

Cette information est totalement en ligne avec ce papier, que j'avais lu précédemment.
Il tend lui aussi à démontrer que le cuivre trouvé dans le vin fini ne vient pas directement des traitements phyto. Bio ou pas.
Le problème du Cuivre reste donc posé par son accumulation possible dans le sol, mais pas dans le vin fini (on verra que c'est en revanche une source de soucis potentiels dans le cadre de la vinification, avant que le Cuivre n'ait été éliminé).

On pourrait d'ailleurs, dans le même registre, se poser la question de l'élimination de tous les produits phytos au cours de la vinification : se fait-elle de la même façon et dans les mêmes ratios que pour le Cuivre ? par quels phénomènes et pour quelles molécules ?
Le corollaire de cette question étant, me semble-t'il, le quoi du devenir des effluents et le comment de leur éventuel retraitement !?

Sur l'évolution de la teneur en Cuivre du moût et du vin, au delà de ce qui vient du sol et des traitements phyto il y a bien sur les traitements spécifiques (contre la réduction par exemple).

Nota : 
Reschke & al. (2015) "Using copper more effectively in winemaking" semblent monter que, toutes choses égales par ailleurs, le taux de Cuivre résiduel est d'autant plus important qu'il a été apporté est tardivement.

Pour autant l'élimination du Cuivre a surtout lieu en cours de FA (adsorption des métaux sur les levures et les bactéries, ou même absorption par les levures (biosorption en fait)).
Cette baisse de la teneur en Cuivre peut toutefois être limitée 
par certains traitements viniques qui en contiennent, ou du fait de contaminations (classiquement par les robinets en Cuivre, vieux machins très jolis et pas encore totalement disparus - surtout de mes étagères -)

Une fois qu'il est présent, le Cuivre reste longtemps dans le vin. Même si ce n'est qu'à des teneurs faibles, il peut alors poser problème pour l'évolution qualitative du vin.
On pense ici aux questions de 
réduction, de qualité et préservation arômes et de la couleur ... 


Mais avant le long terme, il faut s'intéresser à l'immédiat et au déroulement des fermentations alcoolique et malolactique. Ces points méritent d'être développés.




Selon Sofralab ces teneurs sont significatives au moins en Bourgogne et en Suisse, moins dans le Bordelais où les concentrations en Cuivre et en Fer des moûts seraient assez faibles.
Comme d'hab, il faut voir la publi d'origine (que je n'ai pas trouvée) pour valider le choix des échantillons et des millésimes, sans oublier que Sofralab vend des produits permettant de gérer la teneur en Cuivre et en Fer du moût et du vin.
Ceci dit sans remettre en cause la validité des chiffres présentés, d'autant que ce sont à peu près les seuls dont nous disposions : la biblio sur le sujet est mince.



Pourtant, même avec une bibliographie assez mince, il est connu que le Cuivre pose des problèmes d'ordre physiologique aux levures. 
Le Cuivre fait que la capacité des levures à transporter les sucres (donc à les fermenter !) est réduite.
En outre il y a biosorption du
Cuivre.
C'est cool les mots compliqués, car c'est (un peu) compliqué mais du coup c'est (très) clair ... quand on sait ce que cela veut dire.
Là, biosorption : çà veut dire que la levure le fixe sur et en elle, de façon automatique, passive, naturelle.
Et çà ne lui fait pas du bien, à la levure ... mais c'est comme çà que les métaux lourds seront éliminés, via les levures et leurs lies.

Elles font le ménage, les levures.
Il faudrait tout de même envisager les possibilités de relargage de Cuivre (et autres métaux lourds) lors de l'élevage sur lies, sujet sur lequel je n'ai pas pu trouver de biblio.
 
En tous cas, à partir de 40 mg/l de Cuivre (avec des variations selon les souches, certaines étant plus tolérantes que d'autres !) dans le moût on risque des troubles de la fermentation alcoolique.
Ce  nettoyage - même à l'insu de son plein gré - ça ne lui fait pas du bien à la levure. Tant du point de vue de la vinification elle même (on vient de le voir) que pour le résultat qualitatif et, en particulier, aromatique de cette fermentation.
Oui : si pour la composition du vin fini, il ne semble pas qu'il y ait de problème avec des taux de Cuivre importants dans les grappes, les rafles, le moût
 du fait de contaminations diverses et variées (dont phyto), par contre pour faire le vin çà peut-être un peu plus tendu !


Au premier rang des cochonneries qui sentent pas bon et dont la production à la présence (ou l'absence !) de Cuivre, il y a l'H2S .
En soi çà pue.
Mais, comme si cela ne suffisait pas, c'est aussi le précurseur de toute une série de composés soufrés qui donnent dans la gamme réductive (= qui pue encore plus).

Alors on fait quoi ? on vire tout ?
Pas de bol : c'est aussi à l'origine des thiols variétaux qui, eux, sont recherchés (à condition de rester raisonnable ...).

Du coup il faut trouver un équilibre.

Trouver le point de bascule puis orienter le métabolisme vers le versant qui nous semble préférable (ce sera d'ailleurs l'objet de ma question incompréhensible (et donc restée sans réponse) que l'on pourra entendre dans le lien qui est au fin fond de ce billet).


Au delà de ses effets sur les levures, le Cuivre est également toxique pour les bactéries.
Il l'est bien plus pour les bactéries que pour les levures puisque celles ci y sont sensibles autour de 40 mg/l alors que pour la bactéries (selon la souche et sans doute les conditions du milieu) la limite chute à 4 mg/l !
La présence de Cuivre (même à une teneur somme toute assez faible) peut donc expliquer des fermentations malolactiques difficiles et qui ont du mal à démarrer.



Pour finir, et c'est une partie intégrante du cours de DNO (oui, y  a pas que de la microbiologie mais aussi de la chimie en DNO) : tant le Fer que le Cuivre sont à l'origine de l'oxydation des composés phénoliques.
On a formation de 
quinones, et élimination des antioxydants aussi bien naturels et qu'exogènes (à savoir SO2, et phénols, acide ascorbique, et thiols tels que le glutathion).

Ces cochonneries de 
quinones sont salement réactives. Elles vont donc se condenser en polymères qui causent un vilain brunissement.Pour parachever l'affaire on a en outre une perte aromatique causant ce que l'on qualifie généralement de "vieillissement prématuré".
Il s'agit d'une accélération de la formation de 
sotolon (çà peut être très sympa le sotolon, avec son côté noix), et d'aldéhydes. C'est super dans certains vins bien spécifiques, détestable partout ailleurs.

Nota :
il ne faut pas confondre ces histoires là avec un nouveau venu qui semble directement lié à la mode du sans intrant (en fait sans sulfite / sans tanin ajouté).
Sulfiter et/ou taniser la vendange permet d'en éliminer les enzymes oxydasiques : tant la polyphénol oxydase (PPO) que la laccase.
Or il semble que, vu la mode du sans SO2, on puisse dans certains cas avoir de la PPO résiduelle (en particulier avec des températures plus basses de façon à essayer de protéger le vin)... même après mise en bouteille.
Autant dire qu'alors c'est rapidement la fête du string et que l'on finit par se retrouver à poil, avec un breuvage qui tient plus du vieux jus de pomme que du jaja.
C'est fâcheux.




Retour à notre ami le Cuivre qui, lui, influe sur la réduction en bouteille.

Voir Ferreira & al. (2016) "Reductive off-odors in wines: Formation and release of H2S and Methanethiol during the accelerated anoxic storage of wines"  où l'ajout de Cuivre permet d'éliminer les thiols libres responsables de la réduction.
Toutefois, le complexe formé reste dans le vin sus forme soluble et peut, en l'absence d'oxygène, à nouveau libérer ces mêmes thiols et causer une maladie réductive, en bouteille.



Je passe sous silence le fait 
(bien connu) que ces métaux sont, en outre, à  l'origine des casses bleue, blanche et cuivreuse. Pour le coup la biblio est abondante.


A suivre ... avec les 3 premières conférences de cette belle journée. Il s'agissait là d'border des points plus agronomiques allant de la conduite du vignoble à l'intérêt des mycorhizes.



Il en va, bien sur, de ce billet comme des deux qui le précèdent : c'est une vision personnelle basée sur mes notes, complétée de quelques éléments piochés de ci de là.

Chacun y réagira selon sa propre vision, le cas échéant à l'aide de la vidéo de la conférence.
Je validerai et/ou publierai avec plaisir tout avis / remarque / question argumenté différant de ma perception de la chose.





Commentaires

  1. Fouloulou... tu compliques les choses André. C'est pourtant simple : d'un côté tu mets des produits et tu règles tout mais c'est MAL, d'un autre tu ne fais rien, c'est na-tu-rel, et ça pue !
    Merci qui ? Merci la Nature ! (qui est bien faite mais qui se fout de faire du bon vin)

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    1. Ouais, je me prends peut-être trop le chou.
      Et je complique trop (il suffit de m'écouter poser ma question à la conférencière : même moi je comprends quasiment pas ce que j'essayais de lui demander ...)
      En même temps personne me lit (enfin si y avait une personne et grâce à ton commentaire je sais qui c'est)

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  2. Bonjour André,

    Je suis étudiante en oenologie. J'ai bien lu votre article et je trouve le cheminement de votre questionnement très intéressant !
    Merci pour ce partage !

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    1. Avec grand plaisir !
      (j'adore les compliments)
      Mais force est de constater que je ne fais que retranscrire et, parfois, commenter ce qui a été dit au cours de la conférence et qui était en soi très intéressant !

      (il semblerait que vous ne soyez pas étudiante à Toulouse, où j'étais avec les 1ère année il y a peu de temps)

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