Punkovino #10 : prendre la route


Et voici (enfin) venir le dernier opus de ma lecture de Punkovino.
L'épisode 10 du documentaire peut être visionné ici.
Mes billets de blog s'y référant commencent par là.





"Le vin naturel est un vin humain, respectueux, sans artifices, sans ajouts."

Ouais, stu veux.
M'enfin, tu vois : il me semble tout de même que l'on peut difficilement prétendre que ce qui est naturel est, dans le même temps, humain.
Va falloir faire un choix.




"Il exprime réellement l'essence de la terre, dans mon cas celle de Vittoria."

OK.
Elle nous la joue Colette dans "Prisons et Paradis" (paru en 1932).
Dès lors, je préfère la version d'origine qui est moins simpliste (à "exprime réellement" je préfère en effet "rend intelligible"), sans parler - au delà de l'habituelle phrase mise à touts les sauces - du reste du texte de Colette qu'il faut lire dans sa totalité :

"La vigne, le vin sont de grands mystères. Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre. Quelle fidélité dans la traduction ! Elle ressent, exprime par la grappe les secrets du sol. Le silex, par elle, nous fait connaître qu’il est vivant, fusible, nourricier. La craie ingrate pleure, en vin, des larmes d’or. Un plant de vigne, transporté par delà les monts et les mers, lutte pour garder sa personnalité et parfois triomphe des puissantes chimies minérales. Récolté près d’Alger, un vin blanc se souvient ponctuellement, depuis des années, du noble greffon bordelais qui le sucra juste assez, l’allégea et le rendit gai. Et c’est Xérès lointaine qui colore, échauffe le vin liquoreux et sec qui mûrit à Château-Chalon, au faîte d’un étroit plateau rocheux."

Mais je reviens au "documentaire" d'Arte :
"En 2003, j'étudiais la viticulture et l'oenologie à l'Université. Une œnologie très classique, commune, conventionnelle, soumise de façon évidente à une industrie obsessionnelle."
On va la faire simple : je ne connais ni la qualité ni l'indépendance ni même les programmes des facs d’œnologie italiennes. Peut-être sont elles, en effet, "soumises de façon évidente à une industrie obsessionnelle".
On me permettra d'en douter.

Et quand bien même serait ce le cas, dois-je rappeler que le Diplôme National d'Oenologue est un Mastere, donc un Diplôme de niveau Bac +5.
Rendu à ce niveau d'études : si tu n'es pas capable d'acquérir des savoirs, puis d'en percevoir l'intérêt et les limites avant de les transposer dans le cadre qui est le tien arrête les études de suite et, surtout, arrête de geindre sur le complot qui te pourrit tes chères études.
J'interviens pour ma part en DNO depuis plus de 20 ans, dans le module fermentations. J'y suis de tout évidence un odieux représentant de l'industrie obsessionnelle.
J'ai toutefois la faiblesse de penser que ce que je dis et essaie de transmettre aux étudiants (a minima ceux qui m'écoutent) leur sera utile quelque soit leur devenir professionnel et leurs choix techniques ("œnologie commune et conventionnelle" / "joies de la nature que l'on aime et qui nous le rend bien"). 

Sérieusement : c'est qui l'obsessionnelle ?







"Nous sommes sur la SP68. Cette route est considérée comme la route du vin la plus antique de la Sicile. Un jour m'est venue l'idée de donner ce nom au vin. Le SP68 est un vin qui doit parler de ce lieu."

C'est clair que quand tu vois le lieu çà fait vachement envie.
Faire un vin qui doit parler d'une route, y a concept !
Pour le renforcer, je conseille donc vivement la plantation de Pinotage : il prend parfois des arômes de pneu brûlé du plus bel effet, un peu le genre route espagnole au mois d'août, dans un bouchon en approchant de la plage

"La fermentation est l'un des moments les plus importants dans la vinification. Les levures sont partout. Elles sont dans notre peau. Elles font partie de l'air. Altérer le raisin par la fermentation à base de levures sélectionnées ce serait n'importe quoi."

Je te confirme qu'on a bien des levures dans la peau. Enfin ... surtout quand on a chopé une candidose chronique. Mais des Saccharomyces cerevisiae, je demande à voir ...
Après : libre à toi de laisser des Candida (ces super levures de la peau. Trop délire) s'implanter dans ton vin et de refuser les méchantes Saccharomyces cerevisiae sélectionnées.
Petit rappel : on peut parfaitement décider de se passer de levures sélectionnées (on y arrivera d'autant mieux qu'on aura attentivement écouté mon cours de DNO première année #industrieobsessionnelle), il faut tout de même rappeler que les levures sélectionnées l'ont été dans la nature et ne sont donc pas intrinsèquement différentes des levures indigènes.


 


Bien sur les infographies d'Arte sont toujours au top et nous apprennent donc que ce sont les levures de l'air qui fermentent le raisin.

Heureusement que personne ne leur a parlé de l'intestin de guêpe : nous avons échappé au pire.





"Seule la fermentation spontanée parvient à exalter les caractéristiques d'un sol."
Par les levures de la peau et de l'air ?
Ben ouais, normal.
Sinon on en cause de cette obsession pour les gardes-vin ?
A défaut il faudra essayer de m'expliquer pourquoi par le seul fait de leur présence en un lieu (à plus forte raison dans une peau ou dans l'air ambiant) des levures sont forcément les plus à même d"'exprimer ce lieu, dans un vin, de la façon dont nous pensons qu'il doit s'exprimer

Les levures s'en battent les couettes du goût de lieu, tu sais ?
Surtout les Candida.




"J'essaye à travers mon travail de respecter la parcelle, la vigne. Je vois de plus en plus ressortir les caractéristiques de l'endroit, et moins celles venant des choix de l'homme."

En faisant des choix humains différents (car c'est bien de cela qu'il s'agit) ton vin change.
OK.
Et, donc, ces nouveaux choix humains permettent non pas d'exprimer le vin en fonction d'eux mais bien en fonction de l'endroit.

Ça fait super mal à la tête, ce raisonnement.

"Le SP je le vois comme un garçon, avec une casquette à l'envers, à l'américaine. Il doit raconter cette terre de manière franche, spontanée, sans trop de discours."
Un garçon avec une casquette à l'envers, à l'américaine, au bord d'une route. 
Super, le goût de lieu.






Ben voilà : je suis, non sans peine, arrivé au bout de ce documentaire sur le vin et ses rebelles.
Autant dire au bout de ma vie tant je trouve désolante cette image qui, sans fin, nous est ressassée et prétend nous dire - nous imposer ! - ce qu'est le vrai, ce qu'est le bon.
Grosse fatigue.






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