La classe à Dallas

 

Dans une tribune récemment publiée par le JDD, Elisabeth Badinter évoquait une certaine évolution du féminisme. 
Le lien ci-dessus permettra de consulter l’intégralité de son intervention dont, pour les besoins de ce billet, je ne retiens que les extraits suivants :
« Le lynchage médiatique et la mise au pilori s'appliquent sur-le-champ. ».
ainsi que :
« En soupçonnant les uns de tous les vices et en couvrant les autres du manteau de l'innocence, les activistes néoféministes nous mènent tout droit à un monde totalitaire qui n'admet aucune opposition. ».
De quoi s’agit-il ?
Du procès (forcément public) fait ces jours-ci à « En Magnum » qui vient de sortir son numéro 21 … un numéro dans lequel figure un dessin de Régis Franc.
Un dessin qui a déclenché les foudres (néo) féministes.

Certains commentateurs y voient en effet une attaque frontale et basse (bassement sexiste) contre une personne de leur connaissance qui distribue des vins « nature » à Paris.

Ce dessin le voici :


Qu'en dire …

Tout d’abord que certains y voient donc une agression caractérisée à l'encontre d'une grossiste en vins et volailles qui est en activité sur la région parisienne.
Car : « vins fins Poulet-Rautiz ».
Si c’est le cas j’avoue que ces sous-titres me sont du genre indispensables car j’ignorais jusqu’à son existence. Alors son activité professionnelle … J'imagine ne pas être le seul.
Mais pourquoi pas ?

Que, dans le même temps, d’autres y voient l'évocation de : « Chante Cocotte », le domaine et la marque qui appartiennent à … Régis Franc, l’auteur du dessin (que je n’avais plus lu depuis « l’hôtel de la plage », mais dont il m’est arrivé de goûter l’un ou l’autre vin).

Et enfin que pour ma part j’y voyais une allusion à tel ou tel caviste. Au premier rang desquels on trouvera par exemple Marc Sibard, caviste renommé de la place de Paris qui figura parmi les « personnalités du vin » avant d’avoir récemment été condamné pour, excusez du peu, « harcèlement sexuel, moral et agression sexuelle ».
En outre : "Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent", disait Henri Queuille. Et çà ne concerne pas que les cavistes qui s'apprêtent à acheter une palette ou un container.

Il va de soi que je n'exclus pas que d'autres interprétations existent, d'autant que ce dessin s'inscrit dans une série : "Où l'on voit que le COVID oblige à de nouvelles stratégies".
Bref : bien malins ceux qui savent l'intention du dessinateur. Je n'en fais pas partie.
 

Dire ensuite que, de toute évidence, je ne me positionne pas du côté du goût – bon ou mauvais – de ce dessin ou de sa drôlerie réelle ou supposée.
En revanche je m’étonne que certains ne comprennent pas que l’on puisse être choqué par telle ou telle caricature et pas par ce dessin. Et inversement, çà va parfaitement de soi.
Pas les mêmes enjeux me direz-vous ?
Évidemment.
Évidemment ? En fait, pas si sûr …
Pas si sûr car nous avons ici le parfait exemple de la définition toujours difficile de la liberté d’expression et de l’humour (sur ce dernier point c'est pourtant simple : est humoristique ce qui me fait rire, moi) et de l’acceptation ou du refus de telle ou telle chose selon qu’elle conforte nos convictions ou les dérange et aussi (surtout ?) selon qui en est l’émetteur.
Je fais, par exemple, référence à cette commentatrice qui disait que ce dessin qui la choquait dans « En Magnum » ne l’aurait pas choquée dans « Charlie ».

Bref : polysémie quand tu nous tiens …

En conséquence de quoi, de toute évidence chacun jugera de ce qui précède au gré de ses convictions, de son sens esthétique, de son humour et je le crains de son honnêteté intellectuelle (et pourra aussi, pourquoi pas, se remémorer ce qui était arrivé à Mouton-Rothschild avec l’étiquette de son 1993).

Oui, j'ai bien écrit : « honnêteté intellectuelle ».
Car je trouve parfaitement scandaleuse la charge qui a été faite à l'encontre la revue et de l’ensemble de l’équipe rédactionnelle au motif, je cite, que tout ceci est emblématique du vieux monde représenté par les mâles blancs de plus de 50 ans.
Et de demander des excuses immédiates (sans trop préciser à qui les faire et pour quelle raison).
Il va sans dire que je suis moi-même mâle, blanc et que j’ai plus de 50 ans.


Allez : une dernière couche pour préciser ma pensée et en finir avec cette histoire.
Parmi les donneurs de leçons, les promoteurs du féminisme échevelé, les pourfendeurs des mâles blancs de plus de 50 ans qui ont une bite à la place du cerveau : on trouve d’ardents défenseurs de bouteilles au marketing que, pour ma part, je trouve désolant. Pour ne pas dire choquant (oui, je suis un vieux con).
Je pense par exemple, à « j’en veux » de Ganevat, à « j’en veux encore » du même ou bien encore à son« de toute beauté ». Pourquoi pas aussi à la gamme de vins de Vauthier ? mais à bien d’autres encore, par exemple le "Grololo" de Pithon-Paillé.

- Oui mais EUX c’est pas pareil.
- Pourquoi donc ?
- Parce que c’est différent.
- Certes, mais la différence perso, je la vois pas trop : c'est des femmes et on en donne une image de merde juste pour vendre du pinard, non ?
- Oui mais ce sont des potes et leurs vins sont bons. Donc c'est pas grave. Et puis surtout : eux ils sont dans la bonne mouvance.

La bonne mouvance ?
Vous ne connaissez pas ?
Venez la découvrir aux soirées organisées par ceux qui nous donnent, à l'occasion de cette parution, une magistrale leçon de féminisme pur et dur.

Extraits :

« 
La nuit des vins nus

Dans le cadre du festival Onlypornlyon, et pour la première fois à Lyon, Nouriturfu et Lavignesouslaplume s’associent pour vous proposer cette 10ème « Nuit des vins nus » :

• Entrée : 12 € (dégustations et animations comprises)

…/…

On se rincera l’oeil et le gosier, dans une ambiance "boudoir" intimiste 

…/…

« La « Nuit des vins nus », en bref : des soirées singulières, lubrifiées au vin naturel...
Les vins nus, ce sont les vins naturels : débarrassés de leur camisole chimique, ils dansent librement. Avec eux, les goûts et les ivresses sont différents, les rapports humains aussi…
Venez en faire l’expérience lors de La Nuit des vins nus ! 
»


Car le fait de "se rincer l'oeil" moyennant 12 € en venant à une soirée, annoncée par une photo de nana à poil dans une baignoire, soirée au cours de laquelle d'autres se feront attacher devant les consommateurs : et bien c'est une avancée féministe.

La classe à Dallas.

Commentaires

  1. Bernard Grandchamp27 novembre 2020 à 13:02

    Mon cher André,
    Hélas ces mêmes EUX honniraient volontiers les demoiselles de Balthus, et interdiraient peut-être la lecture de La lis pour manque de nu(e) s?... ��
    Rions, rions, tant qu'il en est encore temps ! Et "buvons tousjours" en souvenir de notre Grand François (Rabelais)... ��

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  2. Merci pour cette magistrale (re)mise à niveau

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