A propos de volcans, de vendange ... et de Révolution !

"Vandanges" dans "La Nouvelle Maison Rustique" (1775)



Selon l'actualité vitivinicole, il m'arrive de feuilleter tel ou tel de mes vieux bouquins traitant de la vigne et du vin. Parfois pour l'un de mes billets destinés à l'œnofil d'actualité de l'association des œnologues de Bordeaux (moi qui ai été formé à Toulouse).
La dernière fois c'était à propos des vendanges. Mais çà
aurait aussi bien pu être à propos du climat et ses conséquences ...

En effet : dans plusieurs de ces ouvrages, j'ai trouvé des références aux températures observées (subies !) au moment des vendanges (et, particulièrement, mention d'arbres qui se fendent sous le froid).
Si les auteurs y positionnent les vendanges en août ou en septembre, voire début octobre pour les plus tardives, ils évoquent souvent des températures glaciales.

Dans "Articles vignes, raisins, vendanges et vins.", paru en 1778 et pour partie attribué à de Saussure, on trouve les 8 signes permettant de déclencher les vendanges (lorsque les vignes sont dépouillées de leurs feuilles, lorsque la rafle est brunâtre et non plus verte, s'il y a des attaques de pourriture, ...) :




Le 8ème point est le suivant :

"Dès que le froid a fait descendre le thermomètre de Réaumur à huit degrés [soit 10° Celsius] au dessous du tempéré. On commencera par les vignes les plus exposées à la gelée, sans cela les propriétaires seront en souffrance."

On peut donc geler au moment des vendanges, mais il ne s'agit bien sur pas de vendanger des Eiswein !
Et ce froid a des conséquences sur le travail des vendangeuses :





De même, on trouvera chez Dupuy-Demportes ("Le gentilhomme cultivateur", T14 de l'édition de 1763), quelques mots à propos des vendangeuses et des températures qu'elles subissent :
"L'image de la Divinité bienfaitrice n'est point solennellement portée sur des Thyrses ; mais le prix du bienfait est vivement senti, il excite à la joie une troupe de vendangeuses , qui rustiquement vêtues & soufflant quelquefois dans leurs doigts par la rigueur du froid, coupent les raisins qu'il faut diviser en trois classes ; la première, de ceux qui ont acquis un plus grand degré de maturité que l'on démêle d'abord , la seconde de ceux qui ne sont pas si parfaits, & la troisième du rebut.".





Dans "L'art de faire, d'améliorer et de conserver les vins ou le parfait vigneron" (1782), le Chevalier de Plaigne cite largement l'Abbé Rozier dans son "Mémoire sur la meilleure façon de faire et de gouverner les vins" (1772).
Bien sur l'Abbé y affirme que le niveau de maturité de la grappe doit être le seul déclencheur des vendanges ... ou plutôt devrait, car il faut compter avec la pluie, la pourriture, mais aussi avec la température qui ne doit pas être trop basse.
Et l'Abbé de citer les vendanges de début Octobre 1769 (mais aussi de 1740), faites par un froid tellement rigoureux que les départs en fermentation en étaient compromis.




A l'heure où le réchauffement climatique est sur toutes les lèvres, et pas seulement celles des vendangeuses et des vignerons, sans doute avons nous là des témoignages viticoles des effets de la petite ère glaciaire qui prévalait alors (depuis, le climat s'est fort heureusement réchauffé).

Notons qu'à la fin du règne de Louis XIV (exact contemporain de Dom Pérignon puisqu'ils naissent et meurent les mêmes années) il semble que la situation fut agravée, en 1709, par les éruptions du Mont Fuji (par leur  effet sur le climat, elles ravagèrent la France et  l'Europe).
Puis, en 1783, par l'éruption du Laki dont certains disent qu'il fut à l'origine d'une telle crise que l'on peut y voir l'une des causes de la Révolution qui suivit quelques années plus tard.
Mais cela, ni Pluche, ni Rozier, ni de Saussure, ne le soupçonnaient.
Pas même Louis XVI.



Bruegel, "le massacre des innocents".




A toutes fins utiles, je le précise une nouvelle fois :

- les ouvrages cités et reproduits ici sont issus de ma collection personnelle (sauf le Bruegel, qui est au château de Windsor ...).
Je peux donc en adresser des copies (partielles !) à qui en ferait la demande.

- je vois de temps en temps certaines de mes photos tourner ici ou là. Le minimum est, alors, de citer leur provenance.



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