Dans son numéo de Mars 2022, la RVF se penche sur la réforme de l'étiquetage des vins, et nous promet "les dessous du compromis de Bruxelles".
Le sujet est intéressant, et important pour la filière vin. Aussi ais-je acheté la revue et lu l'article, malgré son titre racoleur.
Oui : un titre qui fleure bon la dénonciation d'accords douteux et la révélation de secrets.
Des compromis ?
Probablement s'agit-il de compromissions !
Ou pas.
Car qu'en est-il vraiment de ce papier et de ses révélations ?
Ça attaque fort :
"A la différence des produits alimentaires préemballés comme le beurre, les biscuits ou l'eau minérale, les étiquettes de vin ne détaillent pas les additifs ou ingrédients allergènes éventuellement employés.".
Ainsi, les étiquettes des eaux minérales détailleraient les additifs et ingrédients allergènes contenus ?
Sans déconner ... il y aurait des additifs ou ingrédients allergènes dans les eaux minérales ?
Et la marmotte, elle est allergène ?
Car avez-vous vu ce genre de chose sur une bouteille d'eau minérale ? moi jamais.
Quant aux étiquettes de beurre, elles indiquent la valeur nutritionnelle du dit beurre et son taux de vitamine A ... qui n'est ni un additif, ni un ingrédient, et encore moins un allergène.
La vitamine A nous est indispensable, et le beurre est la seule matière grasse à en contenir naturellement.
Sinon, le premier ingrédient du beurre c'est le lait.
Et le lait contient du lactose et de la caséine ... des allergènes qui, n'en déplaise à la RVF, ne sont pas mentionnés sur les étiquettes de beurre.
Le pire est sans doute que la RVF fait, ici, la preuve de sa profonde méconnaissance des règlements qui régissent le monde du vin.
C'est dommage quand on est, justement, la Revue du Vin de France et que l'on commente les dits règlements afin d'informer les consommateurs !
Car la présence d'allergène est, de longue date, obligatoirement mentionnée sur les étiquettes de vin !
En effet :
- la mention de la présence de sulfites (au delà du seuil de 10 mg/l) est obligatoire depuis le 25 novembre 2005.
- dès lors que des allergènes (caséine de lait ou albumine d’œuf) ont été utilisés, le règlement européen 579/2012 (adopté le 30 juin 2012) impose la mention de leur présence sur l'étiquette de tous les vins à partir du millésime 2012, ainsi que pour tous ceux qui ont été étiquetés après le 30/06/2012 (sauf si une analyse prouve que ces composés ne sont pas détectés dans le vin, le seuil de détection étant de 0.25 mg/litre de vin).
Je trouve regrettable que la RVF ignore que les règlements dont elle déplore l'absence ... sont en vigueur depuis 10 à 20 ans.
Et à part les allergènes ?
"un consommateur curieux doit pouvoir trouver, en lisant la contre-étiquette, la liste des enzymes, des acides (tartrique, citrique, sorbique ...), des gommes, des protéines animales et autres sulfates utilisés dans le vin qu'il achète.".Hop, hop, hop : il va falloir se mettre d'accord ! Et le faire très vite et très clairement.
De quoi s'agit-il donc ? de lister ce qui est dans le vin, ou bien de lister ce qui a été utilisé pour transformer le jus de raisin en vin ?
Car ce n'est pas du tout la même chose !
Je reviens donc sur ce qui illustre le propos de la RVF ... sachant très bien que, ce faisant, je m'expose à l'habituelle cohorte des reproches en mode :
- "c'est long, chiant et pédant"
Ben oui c'est long. Forcément ! Forcément, car répondre à une niaiserie et le faire de façon fondée et argumentée est toujours beaucoup plus long et beaucoup moins sexy que proférer la dite niaiserie.
Et si dire ce que sont l'état des connaissances et des règlements c'est être pédant, alors je le suis.
- "il extrait des morceaux de texte et après il commente".
Ben ouais, absolument.
Car je suis convaincu que c'est ainsi qu'il faut procéder si l'on veut être un tant soit peu crédible et sérieux.
- "il commente mais, surtout, il se moque. C'est désagréable".
Pédant et moqueur. L'histoire de ma vie.
Mais je tiens à faire remarquer que je n'ai obligé personne à énoncer sérieusement les âneries que je dénonce en pouffant.
Bref, reprenons la visite commentée :
Les enzymes ?
Les enzymes, le raisin en est farci (comme tout ce qui est vivant). Et il y en a dans le vin. Naturellement.
Mais, en effet : on peut en rajouter. Par exemple pour aider au pressurage, ainsi qu'à l'extraction du jus, de la couleur et des précurseurs d'arômes, ou bien encore pour clarifier le moût et le vin.
Les enzymes sont des protéines dont la durée de "vie" dans le vin est tellement courte que celles que l'on ajoute ne seront plus présentes dans la bouteille.
On me permettra donc de douter que le "consommateur curieux" tienne mordicus à trouver sur la contre étiquette la mention d'auxiliaires de vinification dont le passage dans le moût ou le vin a été particulièrement fugace et qui, en outre, y sont naturellement présents.
Les sulfates ?
La référence aux sulfates est doublement intéressante.
Tout d'abord parce que, pour une fois, on ne nous parle pas de ces maudits sulfites. Ce qui change agréablement, sauf bien sur s'il s'agit d'une faute de frappe. Ce que l'on ne peut pas totalement exclure.
Ensuite parce qu'il y a deux ou trois choses à en dire.
Alors soit : parlons des sulfates.
Si la mention sur l'étiquette de la présence de sulfites (au delà de 10 mg/l) est obligatoire, il n'y a rien sur les sulfates.
Mais que sont les sulfates ?
Ce sont des composés présents dans de multiples produits, dont l'eau minérale évoquée plus haut ... et dans laquelle ce ne sont ni des additifs, ni des auxiliaires : dans l'eau minérale ils découlent de la dissolution du gypse (sulfate de calcium).
En œnologie, les sulfites proviennent de la vigne ou, bien sur, des ajouts faits lors de l'élaboration du vin. Et, dans le vin, les sulfites s’oxydent naturellement en sulfates.
Nota : avant la vinification, quid du sulfate de cuivre (aka la bouillie bordelaise), le fongicide bio (qui est loin de n'être utilisé qu'en bio) ? Faut-il aussi le mentionner sur l'étiquette ?
Notons à nouveau que si l'on concluait du papier de la RVF qu'il y a un vide réglementaire en ce qui concerne les sulfates dans le vin ... on aurait tort !
En effet, l’OIV indique deux LMA (Limites Maximales Acceptables) pour les sulfates : de 1 g/L à 1,5 g/L selon les types de vins. En outre le Brésil impose un dosage des sulfates sur les vins destinés à y être importés.
Les acides (tartrique, citrique, sorbique ...) ?
- Acide tartrique et acide citrique sont des acides naturels du raisin (dans le règne végétral, seule la vigne sait fabriquer du tartrique).
Il y a donc toujours de l'acide tartrique dans le vin, c'est même son acide principal !
Il peut aussi y avoir de l'acide citrique dans le vin (si les bactéries lactiques ne l'ont pas dégradé).
Et l'un et l'autre peuvent y être ajoutés.
A mon sens, on touche là à l'un des problèmes de fond de la règlementation qui se prépare et des discussions qu'elle provoque.
Je m'explique : au nom de l'information du consommateur, certains demandent que l'on indique la présence d'acide tartrique dès lors que cet additif a été ajouté.
Ça se conçoit.
Ce que, en revanche, je ne comprends pas c'est pourquoi il faudrait obligatoirement indiquer la présence d'acide tartrique quand on en a ajouté, alors que l'on pourrait ne pas évoquer sa présence lorsqu'on n'en a pas ajouté, bien qu'il y en ait autant. Voire plus.
Quel sens y aurait-il à n'indiquer la présence d'un produit constitutif du vin que lorsque ce produit a été ajouté ?!
Est-ce celà informer le consommateur ?
- acide sorbique.
En fait on utilise non pas de l'acide sorbique mais son sel : le sorbate de potassium. Il permet notamment de réduire la dose de sulfites mais présente quelques limites techniques et des risques qualitatifs. Je ne m'étends pas sur ce sujet, technique, qui n'amènerait rien de plus, ici.
C'est un additif qui est interdit au Japon, qui est relatiement peu utilisé et dont on doit pouvoir se passer.
Dans la mesure ou s'il y en a dans le vin c'est qu'on en a ajouté, je ne vois pas de raison de ne pas le signaler au consommateur (ce qui devrait de facto signer l'arrêt de mort de ce produit).
Les gommes ?
Différentes gommes sont utilisées en œnologie, parfois de façon très ancienne.
Je ne vais pas entrer dans les détails techniques du pourquoi et du comment de leur utilisation (mais suis prêt à en parler à tout lecteur qui en ferait la demande).
Disons simplement que ce sont des additifs (= on les utilise lors de la vinification et elles sont présentes dans le vin fini).
Dès lors, mentionner leur présence dans le vin ne me pose pas le moindre état d'âme.
Les protéines animales ?
Colle de poisson (vin blanc) et albumine d'œuf (vins rouges) sont utilisées de longue date et mentionnées depuis bien des siècles dans de nombreux traités d'œnologie.
Caséine de lait et gélatines porcines sont apparues plus récemment.
Aujourd'hui, après la crise de la vache folle puis avec la prise en compte du bien être animal et la montée en puissance du végétarien et du vegan, les colles animales sont en perte de vitesse et de plus en plus remplacées par des colles végétales (à base de pois ou de patate).
Bien sur les obligations d'étiquetage liées à l'utilisation de certaines colles animales ne sont certainement pas pour rien dans cette substitution.
Les protéines animales comme végétales sont des produits de collage, c'est à dire qu'elles ont une affinité particulière pour certains composés qui y adhèrent avant de sédimenter et d'être éliminés.
Celà permet d'avoir des vins clairs, limpides, brillants, dont la couleur (en particulier celle des blancs et des rosés) tiendra mieux dans le temps.
Retenons que les produits de collage sont éliminés après avoir fait leur effet, afin d'oter du vin ce qui s'est collé à eux et dont on ne veut pas. Dès lors il n'en reste pas dans le vin (comme signalé plus haut : quand on en vient à la caséine de lait ou à l'ovalbumine, les vignerons ont l'obligation légale de vérifier analytiquement cette absence).
Ce ne sont pas des additifs, ce sont des auxiliaires : bien qu'utilisés à tel ou tel moment de l'élaboration du vin, il n'y en a plus dans le vin fini.
En toute honnêteté : je ne comprends pas le sens qu'il y aurait à indiquer la présence d'un composé qui est absent.
Vient alors l'habituel couplet :
"Quarante neuf additifs sont officiellement utilisés pour les vins conventionnels, 35 par label bio européen. Problème : comment offrir une information claire sans affoler le client ?"Je ne sais pas d'où sort cette ânerie que l'on m'inflige régulièrement. C'est débile. Inepte.
En un mot : mensonger.
Je vais la faire courte (pour une fois) en vous renvoyant au texte européen qui encadre tout çà : le Règlement délégué (UE) 2019/934. Ce texte liste très précisément les additifs autorisés.
Combien sont-ils ?
49 ?
Non : 22 !
Et encore sur ces 22 trouve-t'on :
- la résine de pin d'Alep (réservée au Retzina),
- l'argon, l'azote et le gaz carbonique qui ne sont pas à proprement parler constitutifs du vin fini,
- le soufre sous différentes formes.
Autant dire que de fait, moins de 20 additifs sont autorisés, dont certains qui sont exclusifs des autres.
(il faut ajouter l'acide fumarique qui vient de rejoindre la liste des additifs autorisés (modification du règlement cité ci-dessus, avec entrée en vigueur le 08/02/2022))
Oui : là aussi, sur quelque chose d'aussi froid et vérifiable qu'un simple chiffre, la RVF est à côté de la plaque et je lui retourne donc sa question : "Problème : comment offrir une information claire sans affoler le client ?".
Surtout quand, sous prétexte d'informer, on désinforme.
Et je ne m'étends pas plus que nécessaire sur le fait qu'être utilisable ne veut pas dire, comme le prétend la RVF, que l'on est utilisé.
Encore une fois : les mots ont un sens !
"Naturellement, il a fallu trouver un compromis entre les producteurs et les partisans d'une transparence intégrale. Que verra-t'on sur l'étiquette ? Comme pour un soda, les calories apparaîtront sous e symbole (E), suivi des quantités pour 100 ml. Les allergènes seront également mentionnés dès lors qu'ils sont détectables (sulfites, produits à base de lait et d’œuf), assortis du message sanitaire destiné à la femme enceinte.".
Non, les allergènes ne seront pas : "également mentionnés dès lors qu'ils sont détectables".
Car c'est déjà le cas !
Depuis 2005 pour l'un et 2012 pour les autres.
Dès lors nul besoin de compromis puisqu'il s'agit d'une obligation légale. D'ores et déjà prise en compte et respectée par la profession.
Notons que je ne comprends pas très bien ce que la RVF entend par "transparence intégrale" (mais je crains le pire).
Car la "transparence intégrale" est le cheval de bataille enfourché par l'exemple qui nous est proposé pour clore cet article en la personne d'A. Tréchot et de son appli "dans ma bouteille".
Cette appli, j'en parlais dans un billet qui commence à dater un peu, que l'on pourra lire ici et qui recense les plus graves des erreurs dont cette appli (soit disant) informative regorgeait.
Ensuite de quoi je me faisais une nouvelle fois agresser ... mais par la suite les erreurs les plus grossières ont été corrigées conformément à mes remarques (même s'il subsiste quelques scories, ici ou là), ce qui semble indiquer que je n'avais peut-être pas totalement tort !
Mais çà, au sein de cette joyeuse équipe, personne ne le reconnaîtra.
Gageons qu'il en ira probablement de même avec ce billet ...
(Nous devrions reparler de tout ceci d'ici quelques mois.
C'est donc un "à suivre ..." qui conclut ce billet)
Une fausse manipulation m’a fait effacer un commentaire d’Adrien Trechot.
RépondreSupprimerEt je m’en excuse.
Le voici dans son intégralité :
« Adrien TRÉCHOT dansmabouteille a ajouté un nouveau commentaire sur votre article "Informer le consommateur : les étiquettes et l'éthique." :
Merci pour vos articles.
Je commence à pouvoir vous lire. Votre ton est moqueur, railleur, condescendant. Ce format ne facilite pas l’échange. La lecture de votre 1er billet sur dansmabouteille a été une véritable agression pour moi. Pour autant je trouve vos propos intéressants et éclairants. Et je reconnais que votre premier billet m’a permis d’améliorer ma démarche d’information consommateur sur les ingrédients et additifs utilisées pour la conception des boissons alcoolisées.
Quelques points de réactions à la lecture de votre dernier billet.
1 – Il me semble que le règlement européen 579/2012 n’est pas respecté. Hors-mis le domaine des Aspras, je n’ai jamais vu d’indications sur une bouteille de vin mentionnant d’autres allergènes que les sulfites. Pensez-vous que les producteurs aujourd’hui appliquent ce règlement ?
2 – A la lumière de votre 1er billet nous pouvons débattre sur les additifs ou les auxiliaires. Je suis heureux de lire que vous avez fait du chemin ou que vous êtes d’accord pour mentionner l’utilisation de certains acides ou de gommes. Je comprends même que vous attendez maintenant avec impatience les obligations à venir pour écrire un nouveau billet.
Certains auxiliaires me semblent important à indiquer. Par exemple : Fibre végétale micronisée pour l’adsorption sélective de contaminants du vin auxiliaire médaille d’or au Sitevi en 2017 ajouté au règlement européen en 2021 permet d’éliminer les résidus pesticides dans le vin. Ayant pour objectif la non présence de résidus pesticides dans le vin et par la suite l’utilisation d’une mention « zéro résidus pesticides ». Personnellement je pense que l’utilisation de ce produit pour l’obtention de cette mention peut-être une tromperie consommateur. Au-delà du non-sens d’un tel produit. Il faut permettre au consommateur qui le souhaite d’avoir ce type d’information. On pourrait également parler de la Flashpasteurisation je pense.
Voici mon 1er billet de blog publié hier : https://bit.ly/3lbwZ4E avec des exemples de boissons sans alcool. Mon point de vue personnel sur le sujet est que le QR Code peut être justifié pour certaines productions type vin avec peu de bouteilles ou petites exploitations mais il ne me semble pas justifié pour des boissons « standardisées » type Absolut Voldka, Martini, ect… y échappent et utilise un QR Code. Qu'en pensez-vous ?«
D’ordinaire je me contente de signaler que je n’ai obligé personne à écrire sérieusement ce que je dénonce en ricanant. Mais je conçois que ce ne soit pas nécessairement la réponse attendue et encore moins celle qui apaisera les débats.
SupprimerAlors peut-être ajouter que cela permet à mes contradicteurs de s’engouffrer dans la porte qui leur est entrouverte : s’en prendre assidument à la forme en évitant soigneusement le fond.
Mais ce n’est fort heureusement pas toujours le cas : j’ai commencé cet exercice de commentateur énervé et énervant il y a une dizaine d’années, à l’occasion de la parution de « la face cachée du vin ».
En suite de quoi l’un des coauteurs me fit un procès en insulte (prétextant que puisque je disais que dans ce livre il y avait beaucoup de conneries, c’est donc que je les traitais de cons), tandis que l’autre me demandait sur quoi je me fondais, et comment corriger certaines insuffisancers. C’est le second - Laurent Baraou - qui, aujourd’hui, est devenu un pote.
Je vous ferai donc la même remarque en ce qui concerne mon billet à propos de la première mouture de « dans ma bouteille » : je ne vous agressais pas, je relevais et commentais les énormités qui se trouvaient sur ce site qui se voulait donneur d’informations à destination du grand public. Ce n’est pas à vous que je m’en suis pris, c’est à ce qui était affirmé sur le site alors que c'était faux.
Ce qui n’est pas du tout la même chose.
En revanche, je me permets de vous rappeler que lorsque vous avez repris le dit billet sur Facebook vous m’avez pris à parti sur mon activité professionnelle, par sur ce que je disais. Et que cela a de surcroît donné lieu à l’habituel tombereau d’insultes - chez Guillaume Pire qui a relayé votre billet - qui me visaient moi, personnellement, et pas du tout ce que j’écrivais. Car à aucun moment mes arguments n’ont été commentés.
Je regrette vivement que ces agressions-là, caractérisées, vous aient alors visiblement laissé de marbre.
Ceci étant dit je vais essayer de répondre au reste de votre commentaire (encore une fois: désolé de l'avoir supprimé en essayant de le valider avec mon maudit smartphone) :
Supprimer* Je crois que pour ce qui concerne le 579/2012, vous faites erreur.
Ce n’est pas parce que vous ne voyez pas la mention « contient du lait » ou « contient de l’œuf » que ce règlement est resté lettre morte. C’est plutôt que ni l’un ni l’autre ne sont, en effet, présents dans le vin.
Deux raisons à cela :
- le remplacement des colles animales par des colles végétales (protéines de pois ou de patate. Non allergènes),
- un collage bien fait (= à la bonne dose, avec le temps d’action voulu et une levée de colle adaptée) ne permet pas la présence de résidus dans le vin (lors de mes années d’œnologue conseil, après l’entrée en vigueur de la 579/2012 je n'ai jamais constaté la présence de résidus de colle dans aucun des vins contrôlés).
Ceci dit j’ai à titre personnel constaté la présence de ces mentions sur quelques vins de gros faiseurs. Souvent même la présence simultanée des deux mentions ce qui, de mon point de vue, témoigne de la volonté du metteur en marché de ne pas faire l’analyse et donc de se couvrir « au cas où » (car l’utilisation de caséine de lait et d’ovalbumine sur un même vin est un non-sens œnologique).
* Le règlement 934/2019, modifié et complété par le 68/2022, précise ce qui, parmi les produits œnologiques, est un auxiliaire et ce qui est un additif.
Si l’on ajoute ces informations aux conséquences de la nouvelle PAC, on en vient à l’obligation (à l’horizon décembre 2023) d’indiquer le nutriscore du vin, ainsi que d’apposer un QRCode menant à la liste des additifs présents dans le vin.
Il ne s’agit donc pas de dire ce qu’est la composition du vin, mais ce que sont les additifs qui y ont été ajoutés.
Et je crains que cela ne pose de nombreux problèmes.
A titre personnel (mais je n’écris pas les Lois et ne suis pas non plus chargé de dire comment elles doivent être appliquées) et au vu des débats en cours (je pense en particulier à l’acide tartrique et à la chaptalisation) et de ce qui semble s’annoncer, çà n’a pas fini de me faire ricaner et/ou me consterner.
Car si je ne vois aucune raison de refuser d’indiquer la présence d’un additif (quand bien même une fois que le consommateur en sera « informé », il ne sera, de mon point de vue, pas plus « informé » s’il ne sait pas pourquoi le produit est présent ni à quelle dose il l’est, pas plus que ce que sont ses effets potentiels).
Alors quelles sont, de mon point de vue, les failles logiques :
- quel sens y aurait-il à n’indiquer : « contient de l’acide tartrique » que quand on en a ajouté, alors que de l’acide tartrique il y en a toujours dans le vin ?
- en dehors des boissons édulcorées : au nom de quoi dire : « contient du sucre » (du fait d’une chaptalisation), alors que tout le sucre a été transformé en alcool ?
On pourrait aussi ergoter sur les aspects anxiogènes, ou pas, de certaines dénominations. Par exemple : doit-on dire « contient de l’acide ascorbique », ou bien « contient de la Vitamine C » ?
Ceci dit, je crois qu’il sera difficile de contester que l’on doive indiquer la présence d’un composé étranger au raisin et au vin qui n’est donc là que parce qu’on l’y a ajouté.
SupprimerJe pense que cela va, de fait, signer l’arrêt de mort de nombre de produits œnologiques (additifs) et augmenter le recours aux méthodes microbiologiques (qui sont des auxiliaires) et physiques.
Et j’aborderai en effet ces questions, à propos desquelles j’ai commencé à écrire, mais ce sera dans la presse et non sur mon blog.
* Pour ce qui concerne le produit que vous évoquez - qui sort de mon domaine de compétence, et qui est commercialisé par un concurrent de la Société qui m’emploie actuellement - : c’est un auxiliaire de vinification.
S’il remplit son objectif (éliminer les résidus de pesticides) et est correctement éliminé du vin, avec les dits pesticides, on ne peut décemment pas faire obligation à qui que ce soit de mentionner de la présence du produit ou des pesticides, puisqu’ils ne sont plus dans le vin !
(en outre les pesticides ne sont pas des additifs œnologiques, ils ne sont donc pas concernés par ce règlement).
Mais il y a là un vrai sujet.
Alors pour dire les choses simplement et clairement : ma conviction est que la vraie question des pesticides n’est pas leur présence – ou pas – dans le vin mais plutôt leurs conditions de préparation et d’utilisation, ainsi que leur éventuelle rémanence dans l’environnement.
* Sur la flash-pasteurisation : comme d’autres méthodes physiques (par exemple les échangeurs cationiques (renseignez-vous, çà devrait vous plaire)) ce n’est en aucun cas un additif.
Elle n’a donc pas - et n’aura pas, du moins au 8 décembre 2023 - à être mentionnée via le QRCode.
Ceci dit : aucun vin n’échappera à ces obligations légales.
Le nutriscore s’imposera donc à tous, quels qu’il soient (good luck : d’une part la filière n’est pas du tout prête et d’autre part les producteurs de vins liquoreux vont adorer), ainsi que le QRCode (il sera, selon les cas, plus ou moins fourni (et là aussi : good luck pour la mise en place du bouzin !)).
Quant aux deux exemples que vous citez :
- le Martini ?
C’est un apéritif à base de vin. Il n’y a aucune raison qu’il échappe à ces obligations.
- même chose pour la vodka !
ne serait-ce que parce qu‘elle peut être édulcorée.
A suivre …
Je regrette tous types d'agressions. Le débat et les différences de points de vue sont des richesses. Merci pour tous ces commentaires et explications. La fin de mon propos exprime un point de vue personnel. Je trouve que les recettes uniques et grand volume type Absolut Voldka ou Martini devrait avoir une obligation d'affichage des additifs sur l'étiquette et que l'utilisation du QR Code devrait être pour certaines exceptions type certains vin. Mais l'exception demanderait à être définie... en posant la question "qu'es-ce qui rend impossible l'affichage sur l'étiquette pour le producteur ?" C'est un changement compliqué pour la filière. Comme vous le dites. Qui va peut-être avoir comme conséquence une diminution du recours aux additifs. Et ce n'est même pas sûre. Mais je trouve cet enjeux d'affichage passionnant.
SupprimerAvec un produit industriel dont le process est fixé une fois pour toutes il est facile de concevoir une étiquette qui sera immuable.
SupprimerCe n’est pas le cas pour le vin, quel que soit le label qu’il revendique (sauf à revendiquer l’absence totale et définitive d’intrants, ce qui pose alors d’autres questions, d’ordre technique et sensoriel).
Ceci dit : il me semble impossible de défendre une position qui s’indignerait, depuis des années, que les vins ne soient pas considérés comme des denrées alimentaires et donc exemptés d’obligations d’étiquetage … pour soudain déclarez qu’en fait certains vins pourraient ou devraient pouvoir échapper à ces obligations !
Quoiqu’il en soit : la diminution du nombre d’additifs ajoutés dans un vin quelqu’il soit me semble inéluctable.
On peut prendre pour exemple la recherche de moyens permettant de réduire l’utilisation du SO2 ou la montée en puissance des colles végétales depuis l’apparition, en 2012, de contraintes réglementaires liées à l’utilisation de certaines colles animales (contraintes auxquelles les normes vegan se sont surajoutées).
Ma conviction est que certains additifs vont disparaître afin d’avoir des listes acceptables par leur taille ou par le nom de ce qui devrait y figurer. Ce sera d’autant plus facile que des méthodes physiques ou biologiques permettront d’obtenir un résultat final proche, identique, voire amélioré.