Laurie la souris et le vin


Longtemps j'ai eu un chat.
Elle s'appelait Mouek et le devait à Colette.
Elle était, et reste encore, l'être vivant de sexe féminin avec lequel j'ai eu la plus longue vie commune.

Je l'ai trahie.

Aujourd'hui j'ai une souris.
Elle s'appelle Laurie, ou Jerry. Je n'en suis pas sur.
Nous ne sommes pas assez intimes pour que j'aie eu l'occasion de vérifier.

Laurie, ou Jerry.
Elle aurait pu et peut-être dû s'appeler 2 acétyltétrahyropyridine, 2 éthyltétrahydropyridine ou bien encore 2 acétyl 1 pyroline.
Car ces trois molécules sont suspectées d'être responsable du goût dit "de souris" qui se rencontre dans certains vins.



Mais je n'ai pas goûté Jerry (ni Laurie), alors comment être certain qu'elle peut prétendre à ces doux noms ?
Je suis en train de l'apprivoiser, peut-être pourrons nous en reparler prochainement ?


Il y a fort heureusement assez peu de vins qui ont le goût de souris.
Quoi que ce puisse réellement être que le "goût de souris".
Mais il y en a de plus en plus.
En particulier les vins (dits) "nature".

C'est donc, évidemment, la faute du SO2.

De l'absence de SO2.
Encore qu'il en aille du SO2 comme des chats : leur présence n'est pas forcément la garantie de la disparition totale des souris.

Mais le SO2 - associé à l'hygiène - est bien le moyen d'éviter la prolifération des micro organismes permettant à Jerry (ou Laurie) de nicher non plus sur ma terrasse mais bel et bien dans vos vins.
Et c'est assez simple à contrôler, le SO2.
Plus que les chats.


En effet, on considère généralement que 15 mg/l de SO2 libre suffisent à protéger le vin du goût de souris.
En outre, une dose minime de soufre (2 g/hl) diminuerait la perception de ce défaut, mais la diminution du défaut n'est pas proportionnée à la dose de soufre qui n'agit plus au delà d'une dose relativement faible.

Le défaut ?
C'est le plus souvent décrit avec un panel assez large qui va du vomi au pop-corn (pop-corn vomi ?) à la cage de rongeur.
Ça fait envie.

Ses conditions de perception sont originales : dans le verre on ne sent rien, le truc n’apparaît qu'une fois le vin en bouche.
C'est une question d'acidité : plus c'est acide moins on le sent.
Le pH de la bouche étant plus élevé que celui du vin (pH plus élevé = moins d'acidité), Laurie ma souris ne s'exprime qu'une fois en bouche.
Il existe plusieurs méthodes plus ou moins empiriques qui permettent de le détecter sans mettre le vin en bouche.
Ma préférée est celle du doigt mouillé : on trempe son doigt dans le vin, on l'agite en l'air puis on le sent. Le pH de la peau augmente celui du vin et rend ainsi, en principe, l'odeur perceptible (il vaut mieux ne pas avoir pressé un citron, juste avant).

Différentes bestioles (bactéries et levures - ma vieille copine Brettanomyces -) sont responsables de cette déviation longtemps disparue ... et réapparue à la faveur de la diabolisation du soufre.



Laurie
a besoin de se nourrir.
Il en va de même pour les levures et les bactéries.
Si elles disposent de diverses matières premières : deux acides aminés (
lysine et ornithine), éthanol et l'éthanal, le produit de son oxydation (en absence de SO2), alors elles pourront produire les composés responsables du "goût de Laurie souris".




C'est un défaut majeur (et bien dégueulasse).
Et ce quoi que l'on puisse en lire dans l’inénarrable RVF qui a consacré un article à ce sujet.
On y lit des propos stupéfiants :

"Évidemment, il suffirait de mettre 6 grammes de soufre et le problème serait résolu", glisse Jérémy Ménard, qui n’en fera rien.
"Je ne vois pas l’intérêt d'ajouter du soufre", abonde Bruno Schueller, vigneron alsacien : "Tu n’as plus aucun défaut, mais tu n’as plus aucune qualité non plus."
Ben non : 6 g/hL de SO2 ne résolvent pas le problème (mais peuvent contribuer à le rendre - un peu - moins perceptible), pas plus que çà n'élimine les défauts ou ne fait disparaître la qualité du vin (quoique l'on entende par "qualité".
Enfin sauf si on considère que le goût de souris est une qualité ...).
Par contre 2 ou 3 g/hL de SO2 en préventif suffisent à éviter l'apparition de cette déviation.
La suite est du même tonneau :

""Sans l’œnologie corrective, c’est plus difficile de faire du vin", analyse Sylvie Augereau"
"Ben non", le retour puisqu'ici il s'agit de faire du préventif (15 mg/l de SO2) afin que ce défaut qu'on ne sait pas corriger n'apparaisse pas dans le vin.
Aujourd'hui, l’œnologie est devenue avant tout préventive.

"Dans tous les cas, il ne faut pas penser que si une bouteille est touchée, toute la cuvée est à jeter. "Six mois après, il peut être magnifique, ce vin", résume Sylvie Augereau, membre du Comité de dégustation de La RVF. "
Il suffit d’attendre"
".

Ça c'est tout simplement délicieux !
Voilà mon ptit gars : ton vin sent le vomi (car c'est çà, le goût de souris !) ?
Normal gros blaireau : tu l'as ouvert trop tôt ! ou trop tard, en tous cas pas au bon moment.
Car si tu l'avais ouvert au bon moment ben si çà se trouve il aurait été magnifique.

T'es vraiment un looser.

Sinon on fait quoi ?
Ben rien : puisqu'on te dit que c'est pas grave !
Ça sent la mort, mais pas tout le temps. Alors avec un peu de bol t'arriveras bien à passer au travers sur une paire de quilles.

Laurie
a de beaux jours devant elle ...




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