Bordeaux : ses vignes, ses vins, ses polars à lire d'urgence.


L'été, c'est le moment des rosés au bord de la piscine (ou sur une terrasse), mais aussi du polar estival.
A l'impossible nul n'est tenu : je n'ai pas trouvé de polar qui parle de vin rosé, ou de piscine, mais il en existe au moins deux récemment parus qui, à des degrés divers, se passent dans le monde du vin.
Ils ont
d'ailleurs été écrits par Isabelle Chrétien et Agathe Portail qui, l'une et l'autre, vivent ou ont vécu en contact avec le monde vitivinicole de Bordeaux. 





"Léo C sur cour" (Libre Label) est l’œuvre d'Isabelle Chrétien.
C'est un second roman.
D'elle on peut en effet déjà lire : "Le testament de Virgile" (Féret).
Précédemment paru (et épuisé)
sous le titre : "Aux portes du vin" (La Bruyère) il a en effet été édité chez Féret. Sous ce nouveau titre, l'histoire se déroule et s'achève ainsi qu'elle a été initialement pensée et écrite, gagnant par la même occasion la mention spéciale de l'OIV (2018) dans la catégorie "Littérature, Roman".
Je n'en dirai pas plus sur Virgile, Aurore et les vins qui ponctuent leur relation.
Notons que ce livre est préfacé par Nicolas Thienpont (Pavie Macquin) et que Stéphane Derenoncourt y fait une apparition en 4ème de couverture.
Isabelle Chrétien travaille actuellement sur un troisième roman.

"L'année du gel" (Calmann-Lévy) est le premier roman d'Agathe Portail qui, elle aussi, travaille déjà sur le suivant depuis le milieu des vignes où elle vit. La pister sur les réseaux sociaux permettra de collecter quelques informations sur ce projet et son état d'avancement.

D'emblée, "L'année du gel" m'a été sympathique.
Non : pas parce que l'on y trouve trace de cette (putain d') année du gel, mais tout simplement parce que le roman commence par la découverte d'un cadavre dans un frigo de biodynamiste.
Forcément il y a des thèmes qui me sont plus évocateurs plus que d'autres ...
Rassurez-vous : je ne vais pas spoiler le livre, son histoire ou l'enquête du Major Dambérailh.
Seulement préciser que le cadre est bien planté. On pourra même s'interroger sur certain pont en fer : faut-il le mettre à La Corderie (le pont Tranchard) ou plutôt lui préférer celui de Branne (qui remplace le pont Eiffel dynamité en 1944) ?
Il ne s'agit pas du seul cadre géographique, mais aussi du terroir viticole et économique. Pour certains, le texte fera souvent écho à la crise actuelle des Bordeaux et Bordeaux sup. On approchera ces questions au travers des enjeux auxquels Bernard Mazet est quotidiennement confronté. Le contexte a le grand mérite d'être crédible, car tout à fait authentique ... et pas du tout chiant ou moralisateur.
Mais je n'oublie pas le terrain psychologique ! Ni l'ambiance, qui y participe. En outre on sentirait presque l'odeur des fleurs de vigne et des confitures !
Là aussi : authenticité.
Dans ce tableau qui se dessine au fil des pages, l'histoire et l'enquête avancent agréablement, tant dans le fond que par la forme (et le nombre de cadavres) et, peu à peu, les personnages prennent vie (du moins ceux qui ne meurent pas ...).
Quelques pistes, vraies ou fausses, commencent à se tracer puis le faisceau se resserre et peu avant la conclusion on croit comprendre, on devine et, enfin, on sait !
Vient alors, enfin, la joie du lecteur de polar qui découvre (plus ou moins) la vérité ... (un peu) avant l'enquêteur officiel pourtant tellement doué et sympathique.
Je vous dirais bien à quel moment j'ai compris ... mais ce serait prendre le risque de vous mettre sur la piste trop tôt et, donc, vous priver du plaisir de ce cheminement (ou, pire, de peut-être vous avouer que je n'ai compris que bien plus tard que vous !).


Changement de décor avec "Léo C sur cour".
Si Stéphane Derenoncourt était en 4ème du "Testament de Virgile" il est, ici, l'auteur de l'avant propos ... un avant propos dans lequel un personnage clef se confie à lui. Lisez le, c'est essentiel (et bien joué !).
Au premier abord la construction du livre est déroutante.
La construction et le lieu : la fenêtre qui donne sur la cour que la narratrice observe ... et fait de toute évidence référence à "Fenêtre sur cour".
Car c'est bien de cela qu'il s'agit, une observation qui fait naître des soupçons puis une certitude : il y a bien eu meurtre ! Là, sous nos yeux.
Je crois que c'est une première et suis, en revanche, sûr et certain que c'est une jolie idée : l'histoire avance lorsque Léocadie allume son ordinateur et se connecte à un réseau social qui ressemble étrangement à Facebook.
Une fenêtre.
Si vous n'avez jamais ouvert cette fenêtre, jamais fréquenté Facebook, au tout début vous risquez avoir du mal à rentrer dans l'histoire et à en saisir le principe et le cheminement ! Mais rassurez-vous c'est très user friendly : dès le deuxième chapitre vous serez pris !
Disons simplement que, plus ou moins régulièrement, Léocadie se connecte et nous avons alors droit à un chapitre qui se compose de ses messages, des notifications qu'elle reçoit et de ce qu'elle voit des échanges entre tel ou tel de ses contacts. Ses pensées viennent en contrepoint aux écrits dont elle a connaissance.
Et peu à peu les personnages se mettent en place, leurs personnalités et leurs motivations se font jour.
Dans tout cela on parle beaucoup de vin et de sa dégustation. Mais aussi de gastronomie. Nous verrons donc passer divers commentaires, toujours précis (ce qui n'étonnera personne parmi ceux qui connaissent Isabelle).
L'approche du vin, ici une approche d'amateur au vrai sens du terme, se fait de façon très pédagogique. On n'est plus dans les vignes, mais sur les tables, souvent belles.
On parle aussi musique, forcément : les contacts de Léocadie sont très éclectiques.
Mais peut-être le sont-ils trop ?
Car peu à peu, de ces échanges assez anodins, un soupçon naît dans l'esprit de la narratrice ... il y a eu meurtre.
Et la clef de ce meurtre (de ces meurtres !) se cache là, dans ces échanges virtuels aux conséquences très concrètes ...
Ses soupçons, elle va les laisser mûrir jusqu'à en faire une certitude. Jusqu'à la révélation finale.
Tout au long de l'histoire, on croisera l'Abbé Jérôme Brissaud. J'ai en commun avec l'Abbé d'avoir compris. Avant Léocadie.
Et vous ?




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