Les relations entre le vin et la médecine sont très anciens.
Antiques.
Dès lors on les trouve dans la médecine des humeurs, au même titre que la saignée.
C'est rassurant.
J'ai déjà évoqué ce sujet sur le blog avec, par exemple, Arnaud de Villeneuve ou Philbert Guibert.
Tout récemment, je l'abordais brièvement dans un billet pour l'Association des Œnologues de Bordeaux.
Les temps modernes ne sont pas exempts de reproches.
Certains auteurs à leur corps défendant, par exemple avec les déformations de la fameuse phrase de Louis Pasteur et d'autres très volontairement avec les théories et l'ouvrage du bon Docteur Maury (je compte pour rien les réjouissantes publications du Comité de Propagande en faveur du Vin).
L'actualité nous replonge dans ce bon vieux temps.
Avec la COVID-19 ... et Vitisphère dont deux papiers ont été abondamment repris.
C'est bien sur à ce stade que, Groundhog Day oblige, mon animal totémique sort de son terrier pour marmonner :
"Halte au feu !".
Vitisphère commence avec ceci : "Des composés du raisin bloquent une enzyme clé du virus de la covid 19"
La publication servant de support à ce papier est consultable ici même.
On y trouvera ceci :
"Green tea (Zhao et al., 2017; Wang P. et al., 2020), two muscadine grape cultivar berries (including seeds and skin) (Yuzuak et al., 2018), and dark chocolate and cacao (Takahashi et al., 1999; Schewe et al., 2001) are rich in flavan-3-ol gallates and dimeric PAs. To understand whether these plant products could inhibit the Mpro activity of SARS-Cov-2, we extracted flavan-3-ol gallates and dimeric PAs from the five types of materials and then completed in vitro assays."et cela :
"At 100 μg/ml, the extracts of two muscadine grapes completely inhibited the Mpro activity (Figures 7B–F). In recent, we also reported that extracts of these two muscadine cultivar berries contained EGCG, ECG, and procyanidin B1-B3 and B5-B8 (Yuzuak et al., 2018). The inhibitory activity of the muscadine extracts was associated with the presence of these compounds"D'où il ressort différentes informations :
- la recherche a été menée sur du raisin ... Muscadine.
Or je crains que l'on n'ait un peu de mal à trouver des vins issus de Muscadine.
- les tanins étudiés semblent bien avoir un effet constaté in vitro permettant (à la dose de 100 μg/ml) d'inhiber quelques protéines essentielles au "bon" fonctionnement du SARS COV2.
Que les tanins permettent d'inhiber l'activité de telle ou telle protéine n'étonnera aucun œnologue ou vigneron un peu au fait de, par exemple, l'élimination des enzymes de Botrytis cinerea. C'est également le principe du tannage des peaux qui fait intervenir tannins exogènes et polyphénols oxydases (des enzymes).
De là à penser que boire du vin (même de Muscadine ...) permettra de faire baigner ses cellules pulmonaires dans un plasma complémenté en tanins à hauteur de 100 µ/l afin de lutter efficacement contre la COVID 19 ... sans mourir dans d'atroces souffrances en se faisant tanner de l'intérieur.
D'autant plus qu'il ne semble pas impossible - simple supposition - que le foie parte en vrille avant que les cellules pulmonaires ne baignent dans les tanins.
Tout ceci sans parler de l’assimilation post picole de ces composés et de leur devenir dans l’organisme avant qu'ils ne viennent possiblement agir sur les protéines de surface du SARS-COV2.
Alors, au vu de cet article de Vitisphère (et des commentaires qui l'accompagnent généralement), comment dire ...
« Comment dire ... » ?
Dire par exemple, à l'instar - à nouveau - de Vitisphère dans un autre papier : "Une nouvelle étude confirme que le vin protège de la covid 19" ?
Ce titre scandaleux :
"Une nouvelle étude confirme que le vin protège de la covid 19"a fort heureusement récemment été modifié pour devenir :
"Une nouvelle étude étaye l'hypothèse d'un effet protecteur des composés du vin contre la covid-19".C'est un progrès.
Insuffisant, je le crains.
Faut-il donc rappeler que la consommation d'alcool est à même de diminuer l'efficacité des macrophages et des monocytes ? que cette même consommation d'alcool réduit la sécrétion des cytokines et, par voie de conséquence, le déclenchement de la réaction immunitaire ?
Pourtant divers organes de presse se sont fait l'écho de cette dernière publication.
Fatalement sans prendre le moindre recul.
Ainsi que les réseaux sociaux. Je ne ferai pas l'état des lieux de la lecture et l'analyse critiques sur les dits réseaux sociaux ...
Alors, bien sur, comme une de mes correspondantes me le faisait fort justement remarquer : "un peu de légèreté dominicale"
Bien sûr.
C'est léger.
C'est aussi un naufrage de la pensée et de la vulgarisation scientifique.
Un naufrage de ceux qui se sont donné pour mission de nous informer et qui se contentent de générer du clic.
Par les temps qui courent ce n'est ni le seul naufrage, ni le plus grave d'entre eux.
Il n'en reste pas moins profondément désolant.
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