Les accords parfaits

 
 
Je n’ai jamais participé à ses « TupperWine », mais j’ai malgré tout été en contact avec Fabrice Le Glatin.
Comme souvent c’était sur Facebook et, comme trop souvent, ce fut sur une tonalité déplaisante.

Je garde un souvenir précis du jour où j’avais commenté un article (mal)traitant de la maladie de la graisse : on y affirmait que cette maladie n’en était pas une puisque, en vertu d’on ne savait trop quel miracle, il arrivait qu’elle disparaisse.
J’avais, pour l’occasion, revêtu mon costume d’œnologue orthodoxe : hors une agitation mécanique et vigoureuse, point de salut !
Fabrice Le Glatin m’avait opposé le fait que : « la maladie de la graisse n’est pas une maladie, car c’est un état moléculaire passager ».
Lui demandant ce que ce gloubiboulga pouvait bien vouloir dire une fois traduit en bon français œnologique il m’opposait le définitif : « Fuster, tu peux bien dire ce que tu veux, je t’emmerde. » (tellement définitif que, dans la foulée, il me bloquait).
Bien qu’un peu chafouin, je ne pouvais vraiment lui en vouloir étant donné qu’il était alors prof d’anglais mais ni de français, ni de rhétorique et encore moins d’œnologie.

Il m'arrive donc d'être chafouin, mais pas rancunier puisque l’occasion se présentant quelques années plus tard je faisais l’acquisition de bouteilles de son « Chenapan », un Chenas. Dans le millésime 2018.
Pas de bol car le vin s’avérait bien tordu par l’acétate d’éthyle. Imbuvable.
Ça aussi on pourra le pardonner au prof d’anglais, plus difficilement au vigneron.
Aussi, lorsque passant chez mon marchand de journaux j'y croisais le portrait de F. Le Glatin empoignant deux de ses vins (dont une bouteille de « Chenapan ») me laissais-je aller à acheter le n°6 de « tanin » : revue souvent vue, jamais achetée.


Là, passer à la caisse me permettrait de constater ce qui se disait du vigneron et de ses vins dans une revue vinique.

    
                            




Bon, en fait il ne s’en dit pas grand-chose au-delà du chapeau « Le nouveau Beaujolais est arrivé ! » et de l’accroche usée jusqu’à la corde : « interdit aux snobs ! ».

Sur Fabrice Le Glatin et ses vins, on apprendra seulement que « depuis ses débuts un peu « à l’arrache » [il] a progressé, affiné le trait, s’est professionnalisé, et est devenu, très loin du virtuel, un vigneron à part entière, une authentique tête d’affiche dont on s’arrache les délicieuses bouteilles. ».
Souhaitons le lui.
Et si certains enthousiastes cherchent à se procurer du Chenapan (2018) qu’ils sachent que j’en ai à leur disposition. Et qu’il n’y aura nul besoin de me l’arracher, car je le leur cèderai avec plaisir et un soupçon de soulagement.
(nota : en tournant la page on trouvera un portrait d’Alexandra de Vazeilles, dont j’ai toujours trouvé
les vins exemplaires. Dès lors, ceux-là je les garde !).

En toute honnêteté il n’y aurait pas eu de quoi en faire un billet.
Si ce n'est que pour arriver à la page 44 qui entame le dossier « Beaujolais » j'ai dû passer par la page 21 et le « Billet d’humeur » de Vincent Pousson : « Sanguin, charnu ou animal ? » ou : « Vin vegan… idéal sur des viandes rouges et des gibiers ».
Cette posture est détestable.
Vraiment.
 
 
 


Cette histoire de la coop (Rhonéa, autant dire les choses clairement et la citer) au vin vegan qui passe sur les viandes grillées je l'évoquais déjà sur mon blog, m'étonnant alors que l'on puisse y trouver à redire.
Je m'étonne toujours.

Allons au bout de la démarche.
Il faudrait donc aussi spécifier :
- que les vins bio ne peuvent se boire qu'avec des mets bio ?
- que les
cathos ne peuvent boire de vin kasher, qui ne doivent accompagner que du Hamin ?
- que les vins se revendiquant de la biodynamie seront désormais servis dans des crânes de chaton ou de chêvre (l'un des préparats biodynamique, la P505, est en effet composé d'écorce de chêne enfouie dans un crâne d'animal domestique) ?
Il est, en outre, tellement triste que le collage au sang de boeuf soit interdit depuis 1997 : c'eut été parfait avec un bon gros morceau de barbaque saignante.

Bref : au nom de quoi reprocher à un producteur de vin (fut-il une cave coopérative) d'élaborer des vins vegan mais d'indiquer qu'ils collent fort bien avec une viande ?
Certains y voient une incohérence ou, comme l'écrit V. Pousson avec un grand sens de la mesure, la preuve que l'étiquette a été : "vraisemblablement vérifiée par le stagiaire de la com' après un apéro au muscat-de-beaumes-de-venise" puisque : "les deux indications [vegan et idéal sur viandes rouges et gibiers] s'y cotoyaient en un attelage surréaliste et hilarant.".
Pour ma part j'y trouve la preuve que les élaborateurs du vin essaient de trouver des solutions techniques permettant d'éviter le recours aux produits d'origine animale (en
œnologie on parlera pour l'essentiel des protéines animales encore utilisées pour le collage des vins : albumine d'œuf, caséine de lait, gélatines de porc).
Ces solutions existent.
Alors pourquoi s'en priver ? et pourquoi ne pas signaler que l'on y a eu recours, ce qui a permis de coller à tel ou tel cahier des charges vegan ?
Et ce sans pour autant renier les accords classiques faits avec ces vins.

A propos de ces cahiers des charges vegan, V. Pousson nous gratifie du désolant (désolant, à moins que ce ne soit grotesque ?) : "Sans évoquer les insectes tombés dans la vendange, il garantit nous dit-on qu'aucune matière animale n'entre dans sa composition [la composition du vin], notamment au moment du collage qui souvent fait intervenir à dose infime du blanc d'oeuf ou de la colle de poisson.".

La grosse blague à propos de l'insecte tombé dans la vendange est inepte. Et le resterait tout autant si on passait à la catégorie supérieure : le lézard.
Car qu'est ce qu'un vin vegan ?
C'est un vin que le vigneron a, depuis la vigne,
élaboré sans aucune intervention animale ni aucune matière animale.
Il ne s'agit donc en aucun cas de la composition du vin, mais bien de la façon dont il a été sciemment élaboré.
Toutes les coccinelles suicidaires du monde n'y changeraient rien.
D'ailleurs les produits de collage, et ce qu'ils soient d'origine animale, chimique (PVPP) ou végétale (pois, pomme de terre, levures), n'entrent pas dans la composition du vin : ce sont des auxiliaires, pas des additifs.
On ne parle donc pas de ce qui est dans le vin fini mais bien de comment et à l'aide de quoi on a choisi de l'élaborer.

J'ai failli oublier l'horreur absolue (selon V. Pousson) : "un vigneron biodynamique du sud de la France s'est vu fermer les portes d'un restaurant rigoriste de Hollywood !"
En effet : les vins se revendiquant de la biodynamie ne peuvent prétendre au label "vegan" !
Comment pourrait-il en être autrement vu que la plupart des préparations biodynamiques nécessitent d'avoir recours à des matières animales !?
- P500 et P501 ?
corne de bovin.
- P502 ?
vessie de cerf.
- P503 ?
intestin grêle de bovin.
- P505 ?
crâne d'animal domestique : cheval, vache ou cochon (mais un crâne de chaton mignon fait parfaitement l'affaire).

- P506 ?
mesentère de bovin.

Qu'on se rassure : je ne vais pas revenir ici sur mes habituels griefs envers la biodynamie, ses pratiques et ses revendications.
Mais, au delà du fait qu'il y a quelques vins revendiquant la biodynamie dans ma cave, franchement : entre la comm d'une coop qui utilise des colles végétales et celle d'un vigneron (même du sud de la France) qui enterre
pendant 6 mois des cornes de vache préalablement emplies de bouse ou de quartz pilé ...


Pour le reste - qui selon moi est l'essentiel - je crois que l'on peut, que l'on doit !, s'interroger sur notre rapport à l'animal. Et que ce questionnement, que je trouve tout autant légitime que fondé, est fondamental.
Je dis donc qu'il est temps d'affirmer que l'animal machine de Descartes est une ineptie, avant d'en tirer les conséquences dans notre quotidien.
Fut-il vinique.
Nous ne pouvons pas faire l'économie des questions posées par les vegan, quand bien même les réponses apportées par leurs activistes sont généralement insupportables.
Tout comme le sont, tant sur le fond que par la forme, les propos tenus dans l'article que je commente ici.


Sinon, ce week-end, dans le jardin c'est un Montagny 1er cru "les jardins" que je buvais.
Il est en cours de certification bio mais n'est pas vegan. Il le pourrait : il a été élaboré sans recours au travail animal, ni à quelque matière animale.
Alors, ce Jardins dans le jardin,  je l'ai bu avec un burger végétarien. Car le truc au milieu du burger c'est, pour l'essentiel, des haricots rouges, du riz et des oignons.
C'était super bon.
Tant le plat que le vin.
N'en déplaise à certains donneurs de leçons.

 


 

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