Adieu veau, vache, cochon, couvée.


Le vin n'échappe pas à la mode des labels et autres certifications censées informer et rassurer le consommateur.
Il en existe tellement que l'on s'y perd un peu, car cette foultitude de logos et cahiers des charges brouille les messages.

Parmi ces labels viniques il en est un qui peut, au premier abord, sembler surprenant : vegan.

Vegan
?
Le vin est pourtant fait de raisin, non ?
Oui, bien sur !
D'ailleurs la définition légale du vin dit que : "le vin est
le produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisins".
Alors quel besoin de certifier que le vin, exclusivement issu de raisins, est vegan !?

C'est qu'un label vegan prévoit qu’"aucune matière première d’origine animale ne doit être utilisée à tous les stades de la production, de la transformation et du conditionnement du produit fini certifié".


(c) Editions Lito
Je ne perdrai ni mon temps ni celui de mes éventuels lecteurs avec cette pitrerie consternante de la coccinelle tombée dans la benne et arrivée jusqu'à la cuve. Cette remarque idiote que l'on voit trop souvent arriver lorsque vient le sujet du vin vegan. Ce genre d'argutie est profondément désolant. A peine digne de Robert et Marcel lorsqu'ils sont, depuis trop longtemps, accoudés au zinc du Café du Commerce.
C'est inepte car il ne s'agit pas de certifier qu'aucune bestiole n'est accidentellement passée par là, au risque d'y rester, mais bien de dire qu'
aucun animal n'a été sciemment utilisé lors de l'élaboration du vin ainsi certifié.

Alors de quoi s'agit-il, avec cette certification ?
Consulter le règlement europen 68/2022 qui précise quelles sont les pratiques
œnologiques autorisées montre qu'au chai, cela porte essentiellement sur les produits de collage. Il s'agit de substances qui fixent certaines impuretés afin de les éliminer. En effet, les colles œnologiques adsorbent certains composés indésirables avant de sédimenter, en suite de quoi on élimine les lies de collage. Donc les colles et ce qui s'y est aggloméré. Ce qui veut dire que les colles œnologiques sont des auxiliaires de vinification : des produits qui sont utilisés lors de la vinification, mais ne sont pas constitutifs du vin puisqu'ils sont éliminés lors de son élaboration.

Allons bon : on se sert de colles d'origine animale pour vinifier ?
Oui !
Et çà ne date pas d'hier : depuis plusieurs siècles on utilise le blanc d’œuf, la colle dite "de poisson" et le lait (la caséine du lait). Ainsi que les gélatines de porc.
On trouve trace de divers produits utilisés pour éclaircir le vin dans le "Théatre d'Agriculture" d'Olivier de Serres, ici dans l'édition de 1651 (l'édition originale date de 1600)
.


En outre, on a beaucoup utilisé le sang de bœuf (oui : même si on n'est pas vegan : çà fait vachement envie), mais cette colle œnologique est interdite depuis novembre 1997. C'est l'une des conséquences de la crise dite de "la vache folle".
Le blanc d’œuf (qui, de mon point de vue, a longtemps été la colle de référence pour les vins rouges de bonne structure bénéficiant d'un long élevage) et la caséine de lait (belle colle des vins blancs et rosés) ont vu leur utilisation diminuer du fait du règlement européen 579/2012 du 30 juin 2012
qui prévoit que tout producteur utilisant caséine de lait ou albumine d’œuf doit indiquer leur présence sur l'étiquette de son vin, sauf à avoir fait faire un test Elisa indiquant que ces composés n'ont pas été détectés dans le dit vin (limite de détection à 0.25 mg/l).
L'arrivée de cette nouvelle obligation réglementaire a largement contribué au développement des colles dites "végétales" (elles sont à base de pois et/ou de patate), sans nuire à l'utilisation des colles minérales et de synthèse.
Pour les colles de synthèse, je pense en particulier à celle qui porte ce nom si doux : Poly Vinyl Poly Pyrolidone, ou PVPP, et qui est largement utilisée en vinification en blanc ou en rosé afin de préserver la couleur de ces vins.
Nota : si les colles animales et végétales sont autorisées par le cahier des charges bio, ce n'est pas le cas de la PVPP. C'est l'une des divergences entre les différents cahiers des charges "tendance" et, donc, l'une des explications au fait qu'un vin vegan n'est pas nécessairement un vin bio.

Pour ce qui concerne les obligations liées à la certification "vegan", on est donc bien sur des exigences liées à l'utilisation de tel ou tel outil, sans que cela se traduise dans la composition finale du produit. Il ne s'agit pas non plus de prendre en compte les éventuelles contaminations accidentelles, même s'il est souhaitable des les éviter (voir la coccinelle évoquée au début de ce billet et quelques citations qui viendront par la suite).

Autrement dit :

"Il convient qu’aucune matière première d’origine animale ne doit être utilisée à tous les stades de la production, de la transformation et du conditionnement du produit fini certifié."

En outre :
"Il convient que les matières premières utilisées pour la fabrication du produit fini ne doivent pas utiliser à tous les stades de leur production et transformation, des matières premières d’origine animale."

On trouvera des mentions plus précises et restrictives par exemple chez Vegan Australia qui fait explicitement référence à l'utilisation et la maltraitance animales lors de la récolte ou la production : 

"In general, for multi-ingredient products, the requirement that "animal products must not be used in the manufacturing process" only applies to post-harvest processing. However, in cases where it can be readily identified that a particular use or harm occurs in growing or harvesting a particular plant product, then this product does not meet the standard. An example of this is wine made from grapes grown using biodynamic methods that require the use of animal products as an integral part of the growing process and so is not vegan."

Ceci implique, ainsi que je le mentionnais dans un précédent billet, que les vins se revendiquant de la biodynamie ne peuvent être certifiés vegan.
En outre :

"To certify single ingredient products (fruit, vegetables, etc), it must be shown that no animal products were used and no animals were deliberately harmed in the farming process from soil preparation to growing and harvesting."

Là on s'intéressera au travail à la vigne ayant recours à la traction animale : s'il permet de faire de jolies photos et de proposer aux visiteurs des séquences rassurantes, pour obtenir un label vegan ce sera problement plus touchy.

(c) Editions Lito

En outre, pour rester dans le champ des intrants
œnologiques, on peut éventuellement se pencher sur le cas de la gomme arabique (pour l'essentiel provenant du Sénégal, du Soudan et du Tchad) : si son transport après récolte se fait à dos d'animal il semble difficile de la considérer comme étant vegan.
(quand bien même elle peut être bio et compatible avec un régime végétarien)


Les vegan nous questionnent sur notre rapport à l'animal, et sur l'utilisation que nous faisons de ce dernier.
Je crois qu'ils posent de bonnes questions, des questions parfaitement légitimes, qui vont dans le sens d'une évolution que je crois souhaitable.
Ces questions, nous ne pouvons faire l'économie d'y répondre.
Et d'y répondre sérieusement.
Donc sans caricature ni outrance (et ce même si certains activistes vegan peuvent être dans l'outrance).
Pour ce qui concerne l'œnologie : les progrès scientifiques et techniques permettent généralement d'élaborer des vins en se passant de matières animales, et sans sacrifier à la qualité du produit fini. Qui s'en plaindrait ? pourquoi ne pas en profiter ?
Quite à élaborer des vins vegan que l'on pourra, si on le souhaite, boire avec une viande ou un poisson. Je n'y vois aucune contradiction, et m'en étant dejà exprimé dans un précédent billet je n'y reviens pas davantage.


Si ce n'est pour dire que je tiens à disposition de qui le souhaiterait les délicieuses recettes vegan du "risotto" d'orge et tomates séchées, du burger au pseudo steack "riz / haricots rouges / oignons", ou du pâté de champignons.









J'ai failli oublier, toujours chez Vegan Australia :

"Certified products must not have wording or images on the packaging or related material that suggest or depict any animal being used, exploited or harmed. This includes recipes that contain animal products or instructions that animal products be used in the preparation, use or finishing of the product."


Dès lors, continuer à utiliser mon animal totémique sur ce blog c'est probablement le condamner à ne jamais être certifié vegan ...










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