Groundhog Day : Punkovino et Télérama ? il me fallait au moins çà !



Forcément, quand Télérama chante les louanges d'un documentaire Arte, un documentaire baptisé "Punkovino", je m'inquiète et la marmotte sort de son hibernation. La chaleur printanière, tout çà …
Autrement dit : c'est Groundhog Day, le jour de la marmotte.

Peut-être le sais tu déjà ? j'ai assez peu d'affection pour Télérama.
Il faut dire que leur communication pinardière me file régulièrement la gueule de bois (je m'en expliquais ici).
A l'inverse, et je te l'avoue bien volontiers : j'ai une faiblesse coupable pour les documentaires d'Arte.

En particulier ceux qui traitent de l'Egypte antique.

C'est qu'ils sont particulièrement réjouissants !
Oh, pas par le nombre de figurants : y regarder un documentaire (sur l’Égypte antique, mais pas que) c'est un peu comme voler sur Easy-Jet : y a pas beaucoup de personnel alors il faut qu'il soit multi tâches, et les usagers pas trop attentifs aux costumes.
Car sur Arte si tu prends une poignée de types, leur ceints les reins d'une serpillière puis leur mets entre les mains un bout de bois doré au papier aluminium, çà te fait une armée de Ramsès II tout à fait acceptable.
Pour Cléopâtre le travail de l'accessoiriste est généralement plus abouti, ou alors c'est le casting qui a un cahier des charges exigeant ?



Je ne parle pas du nez.

Bref : les documentaires d'Arte y a pas que des gros moyens, mais c'est quand même souvent super coolos.

N'empêche, quand, à propos d'une de leurs séries documentaires, Télérama écrit :

"Cette enivrante et très rafraîchissante web-série documentaire célèbre le vin naturel en musique
puis ajoute que :
"Vincent, Brendan, Servaas, Raph, Ketevan et les autres honnissent Monsanto, les pesticides, les levures chimiques autant que les sulfites, vendangent et vinifient manuellement, contrecarrent les AOP, et cultivent la vigne sur de microparcelles en toute liberté"

Inévitablement je me dis que la série, je vais peut-être la regarder !
Après tout ça ne prendra que 10 x 7' de ma vie et, selon toutes probabilités, il y a un gros potentiel de déconne (mais peu de chances que j'y croise Cléopâtre).

Et puis moi aussi I'm a PunkRocker, yes I am.
Allez, juste un peu …




Alors, avant toute autre chose, faire une lecture attentive du papier de Télérama et - histoire de me mettre en cannes (après tout ce temps j'ai le clavier rouillé) - en faire une recension.

L'article se trouve ici : click.

Et maintenant que le décor est posé, je passe aux extraits et commentaires :

« Il y a un côté très punk chez ces vignerons naturels et une vraie parenté avec la scène des années 1970. Ils mettent un bon coup de pied dans la fourmilière de la filière viticole conventionnelle en rejetant l’agrochimie au profit du vivant. » 
Comment te dire : je ne sais pas bien ce que la scène Punk des années 70 devait à Mère Nature et ne me sens pas de taille à défricher le sujet, donc admettons le parallèle. Après tout il faut bien un postulat de départ, me serait il totalement incompréhensible.
Je crains toutefois que ce préambule fasse une fois de plus la preuve que dans ce qui se prépare l'idéologie ne soit déterminante, fut-elle confuse et sans consistance.


Trêve de manœuvres dilatoires : je me lance et commence par te faire remarquer, encore une fois, que dès lors que tu es vigneron il me semble difficile de revendiquer la Nature (je lui mets une majuscule car elle la mérite bien).
Je suis en effet convaincu que planter quelques milliers de plants d'un même cultivar, sur un même porte greffe, avant de choisir le mode de conduite et les façons culturales (même très peu interventionnistes ou, du moins, très peu "chimiques") puis la date de vendange c'est tout sauf naturel.

C'est, bien au contraire, une activité humaine, fondée sur des choix sociaux et culturels.
Tout le contraire de la Nature.

Mais soit disons que c'est Naturel.
Naturel ... au sens ou c'est supposé être éloigné de l'hideuse hydre de l'agrochimie.

D'où, d'ailleurs, l'évocation du principe de rejet de "l'agrochimie au profit du vivant" : c'est le genre de poncif obligatoire, quand on est rendus à ce stade de déconne.
Une sorte de figure imposée : si tu zappes, t'es disqualifié.


"De Saumur à Majorque, de Corbières à la Bavière, de Volvic à la Géorgie, en passant par la Sicile ou la Belgique (si, si), Vincent, Brendan, Servaas, Raph, Ketevan et les autres honnissent Monsanto, les pesticides, les levures chimiques autant que les sulfites, vendangent et vinifient manuellement, contrecarrent les AOP, et cultivent la vigne sur de microparcelles en toute liberté."

Rien ne nous est épargné, surtout pas Monsanto. Faut bien montrer le clan du mal, quitte à surligner le trait.
C'est quoi l'idée : si t'es pas "nature" c'est que fais dans le genre Ali le chimique et Monsanto ?
A
mis de la caricature outrancière et sans vergogne, bienvenue dans le monde du documentaire.
Fort heureusement, nous échappons aux chemtrails ... en revanche on ne nous épargne pas les "levures chimiques", autre figure totémique du mal absolu (= moi).
C'est un rien casse couilles ce côté obsessionnel, car la "levure chimique" c'est du bicarbonate de soude, de l'acide tartrique et de l'amidon. En présence d'eau y a une réaction acide / base qui dégage du gaz carbonique, ce qui fera lever ton pain aux olives.
Pas besoin d'en faire des tonnes : la levure chimique, ça n'a jamais rien fermenté et ça ne fermentera jamais rien.


Autrement dit : même parmi les plus farouches défenseurs de l'agrochimie outrancière je n'ai jamais rencontré personne qui se risque à mettre de la "levure chimique" dans son mout.

On peut, en revanche, le levurer avec des levures sélectionnées (que l'on appellera au choix LSA (Levures Sèches Actives) ou LNS (Levures Naturelles Sélectionnées)).
La fermentation alcoolique, celle qui transforme le jus de raisin en vin, c'est l'actions - les actions - de Saccharomyces cerevisiae sur le sucres qu'elle transforme en alcool et en gaz carbonique (et divers composés secondaires qui peuvent grandement contribuer à l'intérêt du vin).
Les levures - même sélectionnées -
sont des microorganismes vivants, pas de la chimie. Et, non : ce n'est pas du tout la même chose. 
Car les mots ont un sens, ou devraient en avoir un. Surtout quand on est journaliste (même chez Télérama).


"Ces adeptes du do it yourself travaillent au-delà du bio, en osmose parfaite avec la nature. D’où leurs vins non filtrés, hors normes, foufous, tout simplement vivants… Ornées d’étiquettes déjantées, leurs cuvées répondent au doux nom de Ni dieu, ni maître, ni sulfites, Masturbation carbonique ou Vin de garage (car produit dans un garage, ça ne s’invente pas)."
"Au delà du bio, en osmose parfaite avec la nature" ?
Ah ouais ...
Ça fait salement envie le pitch ! Y a du potentiel jubilatoire !

En tous cas plus que "masturbation carbonique" que, perso, je trouve affligeant.
Mais chacun son trip (j'espère juste que le vin ne sent pas trop le cul).
Je trouve délicieux le "Vin de garage (car produit dans un garage, ça ne s’invente pas).".
Non, pas le vin - que je ne connais pas - mais le commentaire qui est fait sur son nom.

T'en veux du garage ?
Y en a en Côtes de Bourg (et en bio)
Eh, oh : jamais tu te documentes, au moins a minima ? Le terme "Vin de Garage" date de 1979, avec Jacques Thienpont (Château Le Pin) puis Jean-Luc Thunevin (Château Valandraud) qui suivit quelques années plus tard.
Deux authentiques Punks qui vinifiaient ... dans leur garage.
Ça s'invente donc d'autant moins que c'est du déjà vu.


"« Comme les punk, ils tournent en dérision l’ordre social et l’ordre établi », selon Tina Meyer. En reconversion pour la plupart, certains arborent des dreadlocks et vivent en communauté, d’autres jouent du punk et, en Sicile comme en Géorgie, des filles s’imposent désormais à la tête de chais prestigieux."
Des Punks avec des dreadlocks ?! perso je trouve quand même que çà manque un chouia de crédibilité ...
Mais, encore une fois : chacun son trip.
Ceci dit c'est trop délire cette révolution en marche : "des filles s’imposent désormais à la tête de chais prestigieux" !? Trop de la balle !
Attends, laisse moi réfléchir ... ça fait pas un peu plus de 20 ans que Sandrine Garbye est Maître de chai du Château Yquem ?

Voilà, "des filles s’imposent désormais à la tête de chais prestigieux".
Quelle Punk, cette Sandrine Garbye. Me souviens pas l'avoir vue avec des dreads, par contre.



"Des infographies didactiques, pleines de questions et de définitions décalées (« Et si le guano de chauve-souris était la solution miracle ? »), s’intercalent au montage entre les plans sur la vigne et le processus de fabrication du vin."
Mhhh, le guano de chauve-souris en solution miracle.
Y a bon ! Il me tarde ...
Par contre je suis un peu gêné par "les plans sur la vigne et le processus de fabrication du vin."
Attends : "le processus de fabrication du vin." ???
Fabrication du vin ? On fabrique le vin ?
Un truc du genre : le vin est une création humaine ?
Moi qui croyais innocemment qu'il s'agissait plutôt de travailler "
au-delà du bio, en osmose parfaite avec la nature".
Ben non : on fabrique le vin.
Cruelle désillusion.


"La soif de vin naturel de Tina Meyer remonte à la fin des années 2000. Un vrai déclic : « Comme tout le monde, j’ai commencé par boire du vin conventionnel. Mes parents aimaient les vins très sulfités du Bordelais et j’ai découvert par hasard le vin naturel à Paris, à La Cave des papilles. C’était un peu comme tomber sur un vinyle qui nous plaît chez un disquaire… »
Celle qui ne boit « plus que du vin vivant » s’en souvient comme d’un « choc esthétique »."
Un petit coup de Bordeaux bashing avec les "
vins très sulfités du Bordelais" ne peut pas faire de mal.
Quand même : sur ce coup là, il est un peu rayé le vinyle.


"La journaliste envisage de révéler au monde la folle tribu des vignerons naturels. « Je mûris un projet de Chef’s Table du vin, avec des portraits plus fouillés de vignerons qui me touchent à travers la planète », conclut-elle. De quoi ériger le vin naturel au rang qu’il mérite : celui de la haute gastronomie."

La haute gastronomie ? Le rang qu'il mérite ?  
J'ai connu les Punks plus rebelles ... 


Mais j'arrête ici car tout ceci n'était que la mise en bouche.
Le plat de résistance commencera avec mon billet consacré au premier documentaire de cette série.
Je veux, bien sur, parler de :
"Punkovino (1/10) : Le caca de Batman"
 A suivre dans mon prochain billet ...



Les billets que j'ai commis et qui (mal)traitent de la série Punkovino sont les suivants (cliquer dessus permet d'aller les lire) :

- Punkovino #1
- Punkovino #2 
- Punkovino #3
- Punkovino #4
- Punkovino #5
- Punkovino #6
- Punkovino #7

- Punkovino #8 
- Punkovino #9
- Punkovino #10

Commentaires

  1. merci André pour ce décorticage de conneries salutaire. le meilleur là dedans c'est d'avoir déniché un morceaux chanté par Iggy que je ne connaissais pas. :)
    j'ai maté le 1er épisode, là en effet, on tient du lourd, du très lourd. au passage, au sous-titreur chez Arte, faudrait lui dire que le soufre ne prend qu"un seul "f", ça éviterait une souffrance supplémentaire à mes yeux....
    je partage ta saga sur FB.

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    1. Merci Laurent
      (je suis d'ailleurs revenu sur Facebook pour ce blog ... tant il est difficile d'exister sans ce media)

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  2. Sandrine Garbay à Château Yquem .....

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    1. Voilà. Et, fort heureusement bien d'autres. Il suffit de regarder les nouvelles promotions d'oenologues pour s'en convaincre.

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